Il est facile de passer à côté du dernier film de Thomas Alfredson. Moi-même, lorsque je l'ai vu au cinéma, j'ai eu un drôle de sentiment ; la taupe m'avait glissé entre les doigts mais j'avais malgré tout la sensation d'avoir vu un bon film. Sensation assez forte pour avoir une terrible envie de me replonger dans l'enquête... Et le deuxième visionnage fût un régal !

Le réalisateur suédois est un chef d'orchestre dont la partition est un sans faute. De la direction d'acteur à la direction artistique, de la musique au traitement de l'image, rien n'est laissé au hasard. Ses choix sont judicieux et nous amène à être autant spectateur qu'acteur ; spectateur d'une intrigue, acteur d'une enquête.
La principale qualité du film réside dans son refus de tirer les ficelles pour nous. Alfredson exige de son spectateur une attention permanente aux noms, aux lieux, aux flashbacks et aux relations professionnelles et personnelles de tous les protagonistes. Le sérieux avec lequel le film nous décrit le métier d'espion est à des lieux de l'image que nous en propose habituellement le cinéma (cf les James Bond). La solitude intrinsèque à la vie d'agent secret est parfaitement illustrée par la caméra d'Alfredson et par le jeu de ses acteurs. Le scénario s'emploie subtilement à rendre compte que les hommes du Cirque sont formatés et pour eux, les velléités personnelles sont incompatibles avec leur activité professionnelle. Aucun des protagonistes (à l'exception d'un) ne parviendra d'ailleurs à conjuguer les deux. A aucun moment le film ne tente d'enjoliver le métier d'espion ; pas de bimbos, pas de gunfight ou d'affrontement à base d'arts martiaux, pas de rebondissement improbable et surtout, pas d'antagonistes prédéfinis à l'accent étranger. L'espion n'a qu'une arme, son cerveau et son esprit de déduction et d'analyse.

La taupe est un film d'espion pour les espions. Il vous faudra abandonner vos préjugés, oublier vos problèmes personnels et consacrer tous vos neurones à l'histoire que l'on vous raconte si vous voulez en comprendre tous les tenants et aboutissants.
Ajoutez à cela une interprétation très solide d'acteurs confirmés (Gary Oldman, John Hurt) ou en passe de l'être (Tom Hardy, Benedict Cumberbatch), la musique superbement jazzy d'Alberto Iglesias et un montage judicieux qui équilibre parfaitement les multiples pistes du récit et vous obtenez le film d'espion parfait.

Un nouveau maître étalon en la matière !
Anyo
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2012 et Ma vie dans les salles obscures

Créée

le 9 juil. 2012

Modifiée

le 4 août 2012

Critique lue 398 fois

7 j'aime

3 commentaires

Anyo

Écrit par

Critique lue 398 fois

7
3

D'autres avis sur La Taupe

La Taupe
RENGER
2

Une intrigue palpitante sur fond d'espionnage plombée par un manque évident de suspens et de rythme

La Taupe (2012) est l'adaptation de "Tinker, Tailor, Soldier, Spy", roman de John Le Carré publié en 1974. L'intrigue nous renvoie en 1973, en pleine Guerre Froide ou "le cirque" (nom de code donné...

le 26 janv. 2012

47 j'aime

5

La Taupe
Alexis_Bourdesien
8

Une taupe qui n'a pas de problème de vue

Long métrage signé du réalisateur suédois Tomas Alfredson, déjà auteur du très remarqué Mors en 2009, qui est une adaptation du roman éponyme écrit par le maitre du roman d'espionnage John le Carré...

le 19 oct. 2013

39 j'aime

2

La Taupe
Hypérion
7

La mer, qu'on voit danser....

Tinker, Tailor, Soldier, Spy (on va lui préférer ce titre à La Taupe" qui confusément rappelle de mauvais souvenirs auditifs que je ne qualifierai jamais de musique) est d'une perfection formelle...

le 10 sept. 2012

38 j'aime

3

Du même critique

Game of Thrones
Anyo
8

(R)évolution télévisuelle

HBO a régné sur le petit écran pendant une bonne dizaine d'années avec des séries comme "Oz", "Les Sopranos", "Six Feet Under", "The Wire", "Deadwood" et j'en passe. Avec l'arrêt des "Sopranos" et...

Par

le 6 juin 2012

143 j'aime

24

Only God Forgives
Anyo
8

Le langage du silence

Le cinéma est un art Visuel et Auditif. Notre cher réalisateur Danois acquiesce et nous livre une oeuvre à la facture audio-visuelle irréprochable. "Only God Forgives" rejoint "Samsara" et "The...

Par

le 24 mai 2013

140 j'aime

11

Un prophète
Anyo
9

Merci Monsieur Audiard

Le cinéma français d'aujourd'hui c'est quoi ? C'est son film le plus cher : "Astérix aux jeux olympiques", c'est Michael Youn qui réalise, c'est la dernière miss météo qui joue les premiers rôles,...

Par

le 18 déc. 2010

93 j'aime

4