La Traque
7.5
La Traque

Film de Serge Leroy (1975)

Le film que nous, amateurs des polars d'une noirceur infinie venant des Etats-Unis voire d'Italie, attendions de la production française. Un film nihiliste, sans espoir, condamnant sans détour une identité masculine imprégnée de violence : violence entre les classes, violence envers les faibles, violence envers la nature, violence envers les femmes...Car c'est un film sur la violence avec des personnages archétypaux (surtout pas des caricatures) incarnant tous une catégorie de notables (l'homme politique, les entrepreneurs ayant réussi, le militaire) qui se retrouvent confrontés à l'indicible, non pas malgré eux, mais à cause d'eux.
Une partie de chasse dont l’introduction est en soi une forme de dénonciation d'une bourgeoisie sans limites, sans vergogne, autocentrée et suffisante : un adultère sordide qui préfigure la violence à suivre, un repas de chasse où l'alcool vient désinhiber les personnages (même ceux qui n'en ont guère besoin) et affiche les tensions "viriles", la femme étant cantonnée à une fonction, au premier degré, de passe-plat. La partie de chasse commence, avec une orgie de détails qui, chacun à leur niveau, préfigurent la suite et le déchaînement de violence : le collet, la course du chien,...Les hommes avancent groupés, tendus vers l'objectif ultime : la mise à mort du gibier (game) dont on suppose qu'elle sera abjecte.


Et puis le viol...rappelant les pires images de Last House on the left, Dupont-Lajoie, I Spit on your Grave,...Mimsy Farmer la proie des deux soudards Marielle et Léotard, ivres de mauvais vin et de pouvoir, car il s'agit également de ça. Par ce viol originel, Mimsy Farmer va ourdir sa vengeance, en ciblant l'ensemble d'une meute devenue disparate, qui se désunit face à l'adversité insoupçonnée de la présumée faible femme. Mais le message est qu'une femme à ce point blessée dans son être devient une vengeresse implacable. La naissance d'un Rape and Revenge à la française avec l'incarnation ultime de la féminité Mimsy Farmer.


Quelle tension palpable pendant tout le métrage, un grain d'image plein d'aspérités qui rend le contexte encore plus sordide, des acteurs au sommet du contre-emploi qui viennent nourrir une intrigue de plus en plus inconcevable.
Je ne pense pas avoir éprouvé pareille sensation devant un film de genre français, où la noirceur le dispute à la transgression.


La fin est encore plus noire que le film lui-même, Mimsy Farmer "coincée" dans un marécage aux joncs toujours plus forunis. Les visages des hommes sont devenus inutiles, ils ne sont plus que fureur et désirs malsains, Mimsy Farmer n'est plus qu'une proie et nous ne savons trop bien ce qui va advenir.


Magistrale leçon de cinéma par un auteur singulier, et à certains égards, précurseur d'un féminisme inconnu dans les productions de l'époque.

Ossorio
9
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le 22 déc. 2020

Critique lue 79 fois

Ossorio

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