Le pont de Waterloo est le cœur du film de LeRoy. Son utilisation est récurrente et centrale, et apparaît presque uniquement métaphorique, comme le reflet tragique de cette histoire.
Le Waterloo Bridge c'est d'abord là, durant la première guerre mondiale, que se rencontrent Roy, officier britannique, et Myra, ballerine. Des sirènes retentissent, la foule s'agite, ils se croisent, c'est le coup de foudre, Borzagien, ils ne pourront plus jamais se séparer.
Le pont c'est celui qui relie deux univers opposés, deux mondes clos avec leurs règles rigides, à transgresser, d'un côté l'armée, de l'autre la danse. Dans ces deux monde là, l'amour est presque impossible, freiné par des normes castratrices. D'un côté il y a la guerre, le départ possible à tout moment, l'uniforme à honorer, de l'autre il y a la scène, la représentation et le costume unique à revêtir.
Le Waterloo Bridge crée également un lien entre deux époques, entre deux guerres, la Ière et la 2nde guerre mondiale. Cette relation se fait par l'intermédiaire d'un long flash back, Roy au milieu du pont repense à la romance qu'il a vécue avec Myra.
Ces deux extrémités sont donc bouchées. Ils sont tous les deux au milieu du pont avec leur amour, sans pouvoir le faire évoluer, sans parvenir à accomplir totalement ce sentiment. Pourtant l'illusion est donnée que ce sentiment qui les anime est capable de traverser les époques, de transgresser les codes, c'est ce qui donne une sensation d'autant plus tragique à cette romance. Car ils sont bel et bien coincés là, comme des âmes errantes, à regarder la Tamise passer en dessous, et la vie continuer. Une vie triste qui va les séparer, il doit partir au front, elle perd son boulot et doit faire fasse à la pauvreté.
Tragiquement et ironiquement, l'idée forte et indélébile de la perte physique de l'être aimé, était déjà présente lors de leur première et seule soirée en tête à tête. C'est l'heure de la dernière valse, « ce n'est qu'un au revoir ». Les musiciens éteignent tour à tour une bougie jusqu'à laisser les danseurs dans l'obscurité, c'est la valse de l'ombre, la perte de la lumière. Ces deux amoureux sont condamnés à vivre dans le souvenir, dans la mémoire d'un visage, d'une lueur. Avec toujours cette espoir de ne pas voir la dernière bougie s'éteindre, qui les laisserait là, face à l'absence, dans l'obscurité la plus totale.
Ce qui est très beau, et très fort, c'est le traitement que fait Mervyn Leroy de cette histoire. Il épure au maximum les abords de la narration pour ne se concentrer que sur l'amour entre ces deux êtres. Le contexte historique, social, sortent du plan, peu évoqués et pourtant très présents. La cruauté chuchotée de ces évènements, masquée par la pureté et l'élégance de la romance, renforce, par le biais de la mise en scène ces deux aspects de l'histoire.

Pour le dire plus simplement c'est un somptueux mélodrame, à ranger précieusement au côté des réussites majeures du genre, de ceux de Borzage, de Peter Ibbetson, de Lettre d'une inconnue, de Brève rencontre.
Teklow13
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le 15 mars 2012

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