Roman Polanski dégaine tout son talent pour la mise en scène dans cette époustouflante adaptation du succès de Broadway signé David Ives. Une surprise de fin de compétition au 66ème Festival de Cannes qui a bouleversé les certitudes du palmarès à venir.

Après son dernier film, Carnage, qui nous avait laissés de marbre, le réalisateur continue dans sa lancée théâtrale et semble revenir à un style plus familier malgré les contraintes qu’il s’est imposé. Loin de s’enfermer dans son choix de huis clos à deux personnages situé dans une salle de théâtre, il multiplie les échappatoires visuelles, sonores, scénaristiques.

Non content d’adapter une pièce elle-même inspirée de La Vénus à la fourrure de Sacher-Masoch, le film regorge de délicieuses mises en abyme, où l’auteur, le metteur en scène, et même le réalisateur cinématographique semblent faire partie d’un vaste jeu de miroirs à travers les époques et les dimensions. La ressemblance de Mathieu Amalric avec Polanski et le fait qu’il donne la réplique à la Emmanuelle Seigner, muse du cinéaste, ne sont pas étrangers au renforcement de cette étrange impression.

Intelligent et spirituel, avec une touche de mysticisme, La Vénus à la fourrure alterne d’intenses situations émotionnelles avec des traits de dérision, soulignés par les accords du compositeur Alexandre Desplat. Les prestations d’Almaric et Seigner, déconcertantes au premier abord, évoluent à mesure que la relation entre les deux protagonistes s’étoffe, et c’est alors que l’on réalise peu à peu la richesse et la subtilité de leur jeu qui, parfois à lui seul, parvient à exprimer cette étrange transformation de leur jeu de pouvoir.

Des performances que vient renforcer, une fois de plus, une mise en scène millimétrée qui semble maîtrisée sans effort. Chaque costume, maquillage, décor et les choix de direction d’acteurs sont autant d’éléments supplémentaires de ce grand caprice, auquel Roman Polanski choisit de donner une direction clairement féministe, ne se cantonnant pas à la portée subversive du roman d’origine, d’où le terme « masochisme » est né.

L’imaginaire se fond au réel, nous enveloppant dans une exquise confusion, comme pour nous attirer peu à peu dans les méandres de la relation entre les deux personnages, jusqu’à nous demander quel est notre propre rôle au sein de cet immense tourbillon à travers les lieux et les époques.
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le 26 mai 2013

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