Un conte dionysiaque et jubilatoire
Comme c'est rare, comme c'est rafraîchissant et stimulant de sortir d'une salle obscure avec l'envie de revoir très bientôt le film auquel on vient juste d'assister, parce qu'on n'a pas encore tout compris, tout saisi, tant cette œuvre regorge de trouvailles et de niveaux de lecture différents.
Le plus jubilatoire, c'est sans conteste la dimension spéculaire de "La Vénus à la fourrure". Une adaptation filmique d'une pièce de théâtre elle-même adaptée d'un roman, dans laquelle le réalisateur Polanski dirige Amalric, metteur en scène et acteur qui lui ressemble comme deux gouttes d'eau et Seigner, divine comédienne, son épouse. On oscille sans cesse entre le récit-cadre (une actrice passe une audition pour le rôle de Wanda dans La Vénus à la fourrure") et le récit enchâssé (la pièce elle-même), l'un commentant l'autre, de sorte que les deux récits se trouvent in fine... inextricablement tressés.
On ne reste pas insensible non plus aux clins d’œil de Polanski à son public, la transformation finale d'Amalric évoquant irrésistiblement "Le Locataire", par exemple.
Mais ça, c'est sur la forme. Sur le fond se déroule une réflexion passionnante sur les pouvoirs et la magie du théâtre, ce que ne manquent pas de souligner les diverses incursions dans le fantastique : l'actrice, qui entre dans le théâtre comme dans une maison hantée, a le même prénom que son héroïne, elle s'est mystérieusement procuré le texte intégral de la pièce - et le connaît par cœur ; ses connaissances en régie dépassent largement celles d'une comédienne lambda, elle propose au metteur en scène de revêtir un costume qui lui va comme un gant...
Rite antique, sacré et magique, le théâtre permet tout autant à ces deux personnages de se révéler à eux-mêmes, de devenir autres, de jouer comme des enfants à partir de quelques éléments de décor, d'improviser et de jouir de leur liberté, ou encore de prendre leur revanche.
Et comme si tout cela ne suffisait pas, "La Vénus à la fourrure" est aussi un grand film comique. Satire sociale corrosive, réflexion cruelle et drôle sur les rapports de pouvoir au théâtre, le film m'a beaucoup fait rire, jusqu'à la fin, magistrale.
Décidément, le film de l'année.
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