Tomber amoureux
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le 9 oct. 2013
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Deux sujets liés, assez maladroitement dans le film :
-l'homosexualité féminine, le lesbianisme au XXIème siècle.
-les classes sociales, à travers un discours sociologique classiquement bourdieusien sur l’impossibilité de s'extraire de sa classe et de son discours (beurk).
Le premier sujet est le plus intéressant, car le plus universel -du moins général-. C'est l'histoire d'une lycéenne perdu dans sa sexualité, qui va tombé sous le regard charmeur et destructeur d'une artiste lesbienne de 5ans son aînée : Emma.
Emma va dominer dans la relation, elle va faire d'Adèle sa muse, sa chose, son objet, sa bonne à tout-faire pour finir. Mais, pendant 1an, c'est l'amour fou, et le déséquilibre de cette relation n'apparaît pas de façon évidente. Seulement dans les échanges culturels, où Emma rit des propos d'Adèle. Le passage sur Sartre et l'existentialisme, comparé par Adèle à Bob Marley, est mythique et très juste. Il montre à quel point Adèle a compris le propos, mais n'a tout simplement pas les références culturelles et philosophiques pour contrer et rétorquer devant la "hauteur" d'Emma. Sociologiquement, déjà, Bourdieu surplombe la rencontre. Les premiers regards sont ceux d'une Emma en haut (dans le bar) et Adèle en bas (au bar). Cette façon de surplomber montre sa double supériorité :
-âge : Emma est plus âgée, plus expérimentée, plus aguérie dans sa vie, car elle a déjà fait l'épreuve des premiers amours malheureuses.
-classe : Emma a plus d'argent (K financier), et surtout, plus de culture (K culturel chez Bourdieu, tout aussi important que le K financier). Ce qui nous amène au deuxième point par une transition habile et sans faille.
2.Un film bourdieusien
Ainsi, cette relation ne pourra que se terminer en queu de pigeon. L'endogamie, l'endogamie crierait les sociologues. Mais il n'y a pas que ça, d'abord, Adèle provient d'un milieu prolétaire, son père n'a pas l'air très cultivé et sa mère non plus. Mais elle même n'est pas exigeante envers elle-même. Ici Kechiche prend donc le parti sociologique bourdieusien de dire : tu né prolo, tu restes prolo. Personnellement, je trouve ça désagréable et infamant, mais bon, Kechiche a choisit son camp.
Quelque part donc, Adèle est pré-determiné (les calvinistes diraient : pré-éléction divine!) à devenir ce qu'elle est : une fille qui n'arrive pas à discuter d'art, pas à apprécier les discussions mondaines sur la peinture. Elle préfère parler avec un acteur d'origine maghrébine de cinéma hollywoodien. WHY NOT.
-L'homosexualité féminine : ce qui cimente le couple des deux filles, l'artiste et la "fille simple" (pour ne pas être trop méchante) c'est bel et bien le sexe. Eh oui ! Un sexe torride, dès la première fois. Adèle n'est pas timide quand il s'agit de faire un cunnilingus, ou de mettre sa main dans le sexe de sa partenaire. On peut dire qu'elle "n'y va pas de main morte" (contrairement à la future nana d'Emma, qui doit être un peu plamplam). Bref, encore un propos un peu sociologique, Adèle, c'est une prolo, donc elle est chaude. Elle n'a pas cette retenue, ces manières, quand il s'agit d'y aller, elle y va.
En tout cas, pour avoir vu le film deux fois, je dois dire que la scène de la première fois est "assez juste". Même si c'est filmer de façon erronée, il n'y a pas de too much (les claques à la rigueur, mais bon). Le sexe lesbien n'est certes pas comme ça (et d'ailleurs, il n'y a pas de sexe lesbien, il y a des couples lesbiens, voilà tout, et chaque couple pratique son propre sexe, sa propre façon d'aimer). Ici, je pense que Kechiche a voulu "marquer l'histoire du cinéma sur le lesbianisme". D'autre part, la longueur de la scène est pour moi importante et pas inutile :
-cette longueur = l'intensité de deux corps. Adèle et Emma s'aiment, mais surtout ce qu'elles aiment, c'est l'union de leur corps, cette union sexuelle torride, qui fera que leur retrouvailles sont "énervantes" et très olé olé.
-cette longueur = longueur de l'expérimentation, de l'apprentissage. Emma est censé être le maître, et Adèle, l'élève. Or, les rapports de force vont s'interchanger. Emma domine au début, mais Adèle apprend "très vite". Petite pensée pour Les Liaisons dangereuses de Laclos évoquée au début du film au kebab. (La petite Cécile de Volanges apprend, elle aussi, très vite).
La longueur symbolise à la fois la profondeur de leur complicité sexuelle, et l'importante de ce moment dans la vie d'Adèle, qui est un "rite de passage" : son entrée dans le monde lesbien, son entrée dans la connaissance de son propre corps et de sa propre sexualité.
Troisième sujet du film sans doute. Il ne s'agit pas de n'importe quelle bourgeoisie, mais de la haute dotée en capital culturel. Adèle provient d'une "banlieue" de Lille où ça parle mal le françois et où on mange ses mots, où on n'articule pas. (Il est d'ailleurs assez hilarant -et peinant- de voir l'institutrice demander à ses élèves d'articuler, alors qu'elle même ne sait pas le faire!! (scandale).
Créée
le 6 déc. 2016
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