Un film plus instinctif que calculé où l'émotion prime.

Autant vous rassurez tout de suite, le film d'Abdellatif Kechiche est loin d'être un chef d'oeuvre absolu et je vous propose, pêle-mêle, de revenir sur les bons et mauvais points du film au gré d'une énumération.
1) Le film est trés long. Presque 3h pour filmer l'itinéraire d'une jeune bisexuelle, pour centrer le film sur sa relation intime avec une étudiante en quatrième année des Beaux-Arts,c'est un peu fort de café.
2) Par contre, même si le scénario est fort simple ( rencontre-passion-rupture d'Emma et Adèle), le film est trés bavard.La teneur des dialogues primant sur l'action, permet de faire un film émotionnel et pas cérébral du tout.
3) La découverte d'Adèle Exarchopoulos (et de son interprétation de cette jeune femme qui se cherche) est l'atout du film. Sa candeur est un excellent contrepoint au personnage d'Emma, cérébrale et avisée. Léa Seydoux dans un rôle lui allant comme un gant.
4) Les scènes de sexe sont crues,parfois à rallonges mais quelle est l'utilité du procédé pour ce que véhicule le film (la tolérance homosexuelle mais l'histoire d'amour universelle entre deux femmes)? Deux femmes se font plaisir car elles sont ont envie l'une de l'autre et fallait-il en rajouter sur les scènes de pénétration clitoridiennes ou anales?
5) La relation fusionnelle d'Adèle et Emma rend leur environnement inexistant.Même si le réalisateur a volontairement montré cet état de faits (manque de temporalité entre autres) le spectateur peut préférer le chapitre 2, c'est à dire le moment où l'illusion amoureuse d'Emma et Adèle prend fin. A la soirée organisée pour les amis des Beaux-Arts, Adèle se réveille et constate que l'univers cérébral et bohème d'Emma est à des millénaires de sa vie terre à terre d'instritutrice de maternelle. La "descente aux enfers" peut commencer et ça, c'est intéressant.
6) L'autre point non abordé pour la promotion du film (étant primordial et subtil) est la lutte des classes qui s'invite au coeur de cette histoire d'amour. L'un dans l'autre, les cercles familiaux des repas de familles sont emblématiques des différences sociales de ces deux femmes. Quand Emma va dîner chez les parents d'Adèle, le manque de conversation et le repas modeste font tiquer la jeune femme de bonne famille.
7) La scène d'ouverture est aussi incroyable. J'ai eu l'impression que Kechiche revisitait l'Esquive ( son film avec Sara Forestier) tout en lorgnant sur Entre les murs (Palme d'Or passée sur la transmission des connaissances à l'école, qui a aussi repris des procédés de l'Esquive).C'est une troublante coincidence qui mériterait un éclairage du cinéaste.
8) Ce qu'il faudra retenir, c'est l'universalité de cette histoire d'amour, qui loin de s'ériger comme le symbole de la tolérance homosexuelle, décrit avec précision les bienfaits, les divisions et les prises de consciences de deux personnes éprises.