J'ai ENFIN vu "la vie d'adèle."
Je ne reviendrai pas sur l'histoire, tout le monde ou presque la connait : Adèle croise Emma sur la grand-place de Lille, Adèle revoit Emma dans un bar, Emma va chercher Adèle au lycée, Emma et Adèle tombent amoureuses, Emma et Adèle font l'amour, très souvent et très longtemps, Emma se lasse d'Adèle, Adèle trompe Emma, Emma fout Adèle dehors, Adèle pleure, souffre et remonte la pente.
J'ai été séduite et emportée dans le petit monde de Kechiche, dont je déteste pourtant le personnage dès les premières minutes. Adèle est jolie, enfantine, perdue dans un monde où les livres sont ses meilleurs alliés. Elle aime Marivaux, elle aime "la vie de Marianne", elle n'aime pas le système scolaire, mais aime l'enseignement dont elle fera son métier, elle aime ses parents même si un mur la sépare d'eux et surtout elle aime Emma. Trop probablement.Elle finira par l'étouffer.
Adèle est elle vraiment lesbienne, finalement ? Peu importe, en cela Kechiche a eu raison de souligner l'internationalité de cette histoire d'amour. Elle est Adèle qui aime Emma, elle est Adèle qui ne souhaite que rester près d'Emma et n'a aucune autre ambition que d'être heureuse auprès de sa douce, peu importe qu'elle ne crée jamais rien d'autre.
Critique de classes, vraiment ? Plutôt critique de personnages. Emma a finalement plus besoin de sécurité que ses cheveux bleus et son statut d'artiste le laisse deviner. Elle finit par "faire une fin" auprès d'une autre, plus stable, plus posée, plus avancée dans la vie que sa sublime Adèle.
Adèle, elle, dans sa jeunesse et sa fougue, dans sa foi en l'amour n'aime qu'Emma mais il est moins sur qu'elle aime être lesbienne. Finalement, n'est ce pas ce qu'a ressenti Emma quand elle la fiche dehors avec perte et fracas après sa trahison ?
Adèle n'est pas une victime. Par ennui et par solitude, par jalousie aussi, elle a sciemment trompé Emma, sacrifiant ce en quoi elle croyait le plus : son histoire d'amour et a aggravé son cas en mentant.
Emma aime t'elle encore Adèle, malgré ses dires ? Difficile à dire. La distance volontaire de l'excellente interprétation de Léa Seydoux fait douter le spectateur. L'aime t'elle ? La désire t'elle ? En tout cas, une chose est sure : Adèle ne comprend pas à quoi Emma se cogne en tant qu'artiste ne voulant pas faire de compromis. Superficiel ? Snob ? Incompréhensible ? Peut être, mais néanmoins réel. Emma est issue d'une famille aisée et c'est heureux, tant son statut d'artiste est précaire. Mais il y aurait un autre film à réaliser rien que la dessus, et Julie Delphy s'y est déjà collée...dont acte.
Lutte de classe ? Réalisme, plutôt. Oui, il est plus facile (à un chameau..) d'être lesbienne et artiste dans un milieu bobo et aisé que dans un milieu prolo où on tire le diable par la queue même si tous les couples bobos ne parlent pas d'art au repas. (Oh non....)
Le discours sur la transmission du métier d'enseignant est une des réussites du film. Adèle a le feu sacré et c'est bien agréable à observer. On est loin des "c'est pas l'école qui nous a dicté nos codes..."etc.
Une histoire d'amour, en somme avec la rencontre, la passion, le quotidien, la lassitude portée par deux actrices fabuleuses, la caméra indiscrète de Kechiche et une impudeur mêlée à une distance bienvenue.
Difficile de parler de ce film sans parler des scènes de cul : oui, elles sont là, elles excitent l'hétéro de base, mais même si elles sont impudiques, elles ne sont pas choquantes. Et surtout, elle n'arrive pas là, comme un cheveu sur la soupe. Oui, au début d'une histoire d'amour, on baise beaucoup, oui, quand la lassitude arrive, la proximité de l'autre vous gonfle, voir vous écoeure.
Bref, un grand film et une belle histoire d'amour. Digne d'une Palme d'Or ? Certainement plus que l'effroyablement surestimé 'entre les murs."
Ce matin, je pardonne à Kechiche et à Seydoux leur polémique à deux euros. Le résultat est là et il est sublime.