Emily, Charlotte & Anne, trois prénoms qui brillent au firmament de la littérature britannique. Trois jeunes femmes qui 163 ans après, date de décès de Charlotte la dernière survivante, intriguent et fascinent toujours. Comment ces demoiselles, filles d'un pasteur quelque peu rigide, mais aussi leur frère Branwell touche à tout raté, ont pu développer un tel talent artistique, alors que leur vie n'était qu'ascèse et isolement et donner au monde ces deux chefs d'oeuvres que sont "Jane Eyre" & "Les hauts du Hurlevent" ? Il existe des centaines d'ouvrages à ce sujet écrits dès le milieu du XIXème siècle.


Cette "passion Brontë" repose principalement sur le mystère. Exceptées les oeuvres qui nous sont parvenues, quelques romans, des poèmes et des bribes de "Glass town", "Gondal" et "Angria" (poèmes homériques de mondes complexes créés par chacun des enfants démontrant déjà leur fertilité littéraire) et une partie de la correspondance de Charlotte/Gaskell, on connaît peu de choses de leurs vies si ce n'est par recoupements. Autre élément provoquant l'empathie du public, leurs destinées tragiques puisque tous sont morts jeunes, entre 29 et 39 ans, en sachant que deux sœurs ainées se sont éteintes à 10 et 11 ans. Enfin bien évidemment, la puissance et l'inénarrable foisonnement des oeuvres a marqué toutes les générations depuis leurs parutions.


Essais, romans, biographies et mêm une hérétique suite aux aventures d'Heathcliff... on le voit les écrits furent nombreux. Le cinéma s'est accaparé "Jane Eyre" (une adaptation presque tous les 10 ans) et "Les hauts du Hurlevent" avec plus ou moins d'intelligence et de succès. Quelques documentaires ont tenté de retracer ces vies extraordinaires, et seulement deux films leurs ont été consacrés. On peut très vite passer sur "La vie passionnée des sœurs Brontë" de Curtis Bernhardt (1946), la casting est risible et l'histoire romancée a son lot de pauses tant elle est affectée. Beaucoup plus brillant, la vision d'André Téchiné en 1979 et "Les sœurs Brontë" co-écrit avec Pascal Bonitzer. Reconstitution historique parfaite, ambiance de l'époque restituée, casting 3 étoiles (Huppert, Adjani, Pisier, Grégroy, rien que çà), les deux auteurs se sont attelés moins au côté biographique, qu'à celui du génie de la création entre douleur et jouissance.


Ce téléfilm est un hybride entre les deux. Il se donne comme axe l'année 1847, où seront publiés le trois romans des sœurs. Cela commence en 1845 par la genèse, un peu trop contextuelle notamment en insistant trop sur les travers de Branwell, en gommant passablement la misanthropie maladive d'Emily et le passif grandissant entre le fils et le père. Il en est de même en ne limitant la création des mondes imaginaires ("Glass town", "Gondal" et "Angria") qu'à des jeux d'enfants, alors qu'ils sont extrêmement denses, perfectionnés, rédigés et donc formateurs pour le futur. La vie quotidienne de la famille à Haworth (le presbytère) tient une place de choix dans les scènes, chacun œuvrant aux tâches domestiques ingrates. Cela aurait pu être parfait si l'intérieur n'apparaissait pas aussi cossu. Nick Wilkinson, le décorateur s'est un peu trop inspiré de l'existant, hors le presbytère a entièrement été rénové après la mariage de Charlotte et Monsieur Nicholls. A l'époque du Pasteur, les lieux étaient plus spartiates. On peut reprocher également les vues extérieures fleurant bon la carton pâte et images de synthèse de la 1ère génération.


Globalement "La vie des sœurs Brontë" se laisse regarder, c'est tout à fait le genre de production de la BBC, agréable mais peu risquée. La mise en scène manque de passion, malgré quelques beaux plans et s'appuie sur le jeu plutôt honnête des actrices. Le tout accompagnant un récit cohérent mais lui aussi sans effusion.


"La vie passionnée des sœurs Brontë" 1946 Bande annonce
*Vous remarquerez combien elle est passionnée leur vie... crinolines et bijoux, baisers langoureux... C'est Charlotte, Emily et Anne à la cour de la Reine Victoria !


Images de Les sœurs Brontë 1979 sur une musique de Mozart et Trailer avec cette fois-ci la musique de Philippe Sarde
Et pour le plaisir medley de la musique du film par Philippe Sarde


"La vie des sœurs Brontë" 2016


Extrait making off et
Bande annonce

Fritz_Langueur
7
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le 14 mars 2018

Critique lue 1.3K fois

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Fritz Langueur

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