/!\ Attention, cette partie CONTIENT des SPOILERS. En cas de choc traumatique suite à des divulgations inopinées, nous vous prions de vous adresser au Comité Nationale de Lutte contre le Divulgâchis.
J'ai choisi ce titre en référence aux propos d'un senscritiqueur (https://www.senscritique.com/film/La_Vie_scolaire/critique/201677795) qui disait que le film était «trop écrit» pour se rapprocher du documentaire et que le scénario était néanmoins «trop banal dans ses enjeux pour vraiment captiver». La critique est juste, certes, mais est-ce vraiment là que le bât blesse ? La vie scolaire a-t-il pour enjeu de nous faire passer un message ? Ne cherche-t-il pas plutôt à nous raconter une histoire ? Banale, c'est vrai. Mais s'attend-t-on à des rebondissements de télénovélas, lorsqu'on va voir un film qui suit l'évolution d'une bande de collégiens à travers le regard d'une CPE ? Je ne crois pas. Alors, en voilà mon avis :
Vis ma vie de CPE
Samia Zibra (Zita Hanrot) est une jeune CPE, débutant la rentrée scolaire dans un collège de Seine Saint Denis. Elle a «choisi» son affectation, en partie parce qu'elle connaît du monde ici, comme elle s'en explique à ses collègues ; en réalité elle ne connaît ici que son voyou de petit ami qui dort encore à l'ombre pour l'instant, et qu'elle va visiter régulièrement au parloir. Yanis, de son côté, est un jeune élève finaud mais scolairement en échec. Avec un père croupissant au mitard, ça lui fait un point commun avec la conseillère, qui va essayer de l'aider à s'en sortir par le haut.
Le film suit dont la trajectoire de Samia et de ses accolytes surveillants - en particulier Moussa, le «grand-frère» et Dylan, le blanc-bec un peu beauf - et nous montre également des scènes de la vie scolaire (les cours) ou extrascolaires (la fête au bahut, les relations familiales, etc). De leur côté, les profs, qui ne sont certes pas le sujet du film, sont assez peu représentés. On y voit en particulier Messaoud, le prof de maths intransigeant, qui s'enamoure discrètement de la CPE. Les autres ne sont représentés que très partiellement, ou dans le rôle de l'antagoniste, comme c'est le cas du prof d'histoire (Antoine Reinartz, Cent vingt battements par minute), jouant le prof à bout de nerf, le seul à ne pas s'arrêter sur les circonstances atténuantes de ses élèves, et qui est donc représenté comme une sorte de bourreau malgré lui.
«Culture de rue»
Dès les premières dizaines de minutes, le ton est donné. On y voit des personnels scolaires, dans un face à face avec les élèves : jouant tantôt sur la discipline, tantôt le jeu des élèves, à les battre sur leur propre terrain, celui de la répartie. Des joutes verbales célébrés à raison par les deux auteurs, même s'il laisse de côté les raisons de ce genre de comportement - briser l'ennui, briller, faire perdre du temps aux professeurs - pour les traiter, toujours, sur le ton de l'humour. On y voit également les blagues racistes qui, contrairement à ce qu'on pourrait penser, sont souvent là pour rire avec la personne visée, et non d'elle. On y voit le mensonge, à travers le personnage hyperstéréotypé de l'élève «super mytho», qui ment toujours pour s'en sortir, même s'il est grillé d'avance. Ce qui, là encore, est très riche d'enseignement sur le monde de «la cité», où un bon affabulateur est souvent mieux perçu qu'une personne trop mesurée.
Montrer plutôt que juger
Alors, certes, le film n'est pas grandiose. Le scénario y est anecdotique. Et les tribulations de nos héros servent seulement à faire avancer le film, qui est surtout une succession de saynettes, qui n'ont d'autre objectif que de nous donner à voir «La vie scolaire», telle que s'en souviennent nos auteurs, avec leur regard, complaisant mais juste. Ses musiques font figure d'agréable contrepoint, animant les scènes de transition festives ou dramatiques.
Lors de la scène finale, on voit notre héros regarder par la fenêtre, ses yeux pleins de solitude, vers dehors, vers la liberté, qui s'éloigne de lui, dans un travelling arrière. Son destin s'est joué : il n'a pas gagné, il n'a pas perdu. Ni drame, ni happy-end, les auteurs se refusent à trancher et choisissent un entre deux.
Un film touchant, que je vous conseille.