La Voie normale
La Voie normale

Documentaire de Erige Sehiri (2021)

Un film qui dénonce à la fois l’incompétence, la corruption de certains et la résilience des autres.

La Voie normale (2021) dresse à la fois le portrait de 5 tunisiens évoluant de près ou de loin dans l’univers ferroviaire et en profite aussi pour dresser un constat amer, celui de l’état déplorable des chemins de fer tunisiens.


Le titre fait référence à la ligne n°1 cataloguée comme étant « une voie normale » car elle est la seule à avoir été construite selon des normes dites internationales. Le reste du réseau quant à lui est délaissé, délabré, voir détérioré. Que ce soit les voies de chemins de fer que le matériel roulant d’un autre âge, les cheminots n’ont parfois d’autre choix que de faire avec les moyens du bord (comme en atteste cette panne au beau milieu de nulle part, contraignant le cheminot à quémander auprès des villageois du coin, s’ils auraient une clé à molette pour resserrer l’un des freins pneumatiques de la locomotive, finalement, ce sera un banal fil de fer trouvé à même le ballaste qui permettra à la loco de repartir). Résultat, les accidents sont fréquents, impliquant aussi bien des badauds que les cheminots eux-mêmes.


La journaliste Erige Sehiri s’est intéressée à la corruption et au délaissement du réseau ferroviaire tunisien, aux risques et périls de ses usagers et des cheminots. Elle a voulu par le biais de ce film, lever le voile sur la SNCFT (la Société Nationale des Chemins de Fer Tunisiens), après avoir constaté que certaines localités étaient encore dépourvues de gare, contraignant les voyageurs à embarquer parfois au milieu de nulle part, quand ces derniers n’étaient pas obligés de supporter des hivers sans chauffage ou des étés sans climatisation. Sans parler des innombrables pannes disséminées ici et là (comme cette séquence invraisemblable où l’on apprend depuis la cabine du train n°96, que le train qui les précède, le n°97, conduit dans le noir, n’ayant plus aucune lumière à bord, avec l’ensemble des passagers dans la nuit noire).


Le film montre aussi le travail acharné de Fitati, employé de la SNCFT (et accessoirement, lanceur d’alerte) qui, pendant de nombreuses années n’aura eu de cesse de dénoncer l’inaction de la société qui l’emploi, relayant auprès des médias tous les dysfonctionnements et autres vidéos accablantes des (trop) nombreux accidents (déraillements, renversements, passages à niveau, …). Malgré les nombreux accidents et morts qui en découlent, à chaque fois, les témoignages de Fitati restent lettre morte jusqu’au jour où, après un passage à la télévision, il sera purement et simplement mis au placard avant d’être licencié.


Le documentaire dresse un constat alarmant et le témoignage des cheminots vous glace le sang, quand l’un des conducteurs annonce (sourire en coin), qu’il a tué pas moins de 6 personnes en 18 ans de travail à la SNCFT au volant de sa locomotive ou quand un autre avoue avoir été contraint de remplir un testament obligatoire avant même de pouvoir signer son contrat d’embauche, ça en dit long sur la vétusté du réseau… Vous imaginez la même chose à la SNCF, si nos cheminots devaient signer un testament avant de signer leur CDD ?


Un film qui dénonce à la fois l’incompétence, la corruption de certains et la résilience des autres.


http://bit.ly/CinephileNostalGeekhttp://twitter.com/B_Renger

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le 21 oct. 2021

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