« La volante » ne vole pas haut, mais assez proche de nous pour nous interpeller. Un côté oiseau de mauvaise augure façon pie voleuse et vengeresse. Dommage que les réalisateurs aient fait le choix de démystifier dès le départ tout l’enjeu de l’histoire, dégonflant comme un ballon percé la principale bouffée d’air anxiogène du film. Au moins aurions-nous eu plaisir à réfléchir un peu, à prédire les signes avant-coureur qui font que brusquement tout bascule, à deviner les raisons d’un plan si démesuré, à saisir les causes d’un tel cynisme … ou encore à comprendre la résurgence d’un amour maternel totalement irrationnel – envers le petit Léo, 9 ans.


Car lorsque la mort vient, la vie naît. C’est dans ce cycle que Nathalie Baye fait son deuil, considérant l’enfant comme un substitut au sien, et reportant sur lui toutes ses ardeurs de mère poule. Un vrai bon sujet de cinéma, déjà exploité dans les étouffants « My little princess » (Eva Ionesco) ou « Mon fils à moi » (Martial Fougeron) par exemple, dans lequel on retrouve justement … Nathalie Baye.


Ici, « La volante » est plutôt la version inquiétante, façon « Paranoïak » (D.J. Caruso) dont nous serions les seuls témoins, à travers la fenêtre de l’écran. L’actrice porte l’entière tension du film sur ses épaules, pas si frêle qu’il n’y paraît. Elle a beau jouer la femme ordinaire, rester dans son rôle de secrétaire « volante », cette apparente normalité n’est que masque. Comme toute bonne criminelle d’ailleurs, elle demeure « celle dont on n’aurait pas imaginé une seconde » les intentions, transcendant la notion de machiavélisme à son paroxysme. Car le stratagème imaginé pour usurper cette famille est inattendu, tant cela semble n’avoir aucune limite.


Il suffit d’un regard, parfois glaçant, menaçant, pour rendre hommage au genre « thriller »; et son allure naturelle – à la fois banale et distinguée – la rend d’autant plus magnétique. J’irai même jusqu’à dire qu’on peut retrouver à de brefs instants la couleur d’un « Shining » – même si le film n’a évidemment pas la demi-carrure d’un Kubrick. L’effet a beau être éphémère, la scène dans le grenier, où Baye, blessée, cherche l’enfant en l’appelant d’une voix doucereuse, fait tout autant frissonner qu’un Nicholson frappant à la porte et appelant Dany. Baye est cérébrale, douée d’une diablerie soudain plus impressionnante que n’importe quelle créature de synthèse : parce que malgré son inhumanité, elle demeure humaine. Réelle.


La comédienne se laisse complètement habiter par la folie, crédibilisant un personnage sur le fil, prête chaque fois à tomber dans la caricature, souvent retenue de justesse. De fait, le film pâtit d’un certain déséquilibre, tant les seconds rôles semblent manquer de consistance en comparaison. On retient cependant la prestation du jeune Jean-Stan Du Pac, à tel point le trouble qui se lit parfois dans ses yeux fait penser qu’il est le seul à voir ce que nous voyons. Pas parfait, donc, mais qui donne à lire entre les lignes – avec toute la délicatesse méthodique d’un film français.


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babymad91
6
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le 17 août 2015

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babymad91

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