C’est toujours un peu chouette les films de cabaret, le public populaire qui braille, l’aristocratique qui s’outre, les bourgeois qui relèvent les compteurs en coulisse. Il y a toujours des scènes de loge avec de jolies épaules et de belles chevilles, et de gros messieurs à gros cigares qui se consument devant tout ça, c’est à la fois drame social et drame amoureux, c’est toujours prometteur.


Quand c’est Gina qui fait la belle, avouez que la promesse s’arrondit, et quand en plus ça se passe au début du siècle à Paris, tout en commençant en Italie, il n’y a plus tellement de raison de se lancer dans une autre activité.


Gina, ou plutôt ici Lina, Cavalieri de son patronyme, débute dans un de ces cabarets italiens où, début du siècle ou pas, le public vient plus pour lancer des objets divers et des insultes salaces sur les pauvres diables qui sont sur scène que pour profiter d’un spectacle de qualité. Elle arrivera quand même à séduire ce tas d’imbéciles dans un numéro d’espagnolade tout en sensualité retenue, et, encouragée par ce succès, demandera de l’aide à un professeur de chant qui l’emmènera à Paris pour… bah oui, pour ça, pourquoi vous emmèneriez Lollobrigida en voyage, vous ?


Sauf qu’elle n’est pas d’accord, elle y avait cru à la qualité de sa voix, alors elle quitte le vilain monsieur et part faire son trou seule dans la capitale. Elle y parvient, tout en gardant sa vertu, un exploit, et finit même chanteuse d’opéra, si. Tout ceci serait un peu trop conte de fée si le professeur en question, chef d’orchestre de son état, fou d’amour pour la belle des belles, incarné parfois un peu lourdement par le sourcil circonflexe de Robert Alda, ne revenait pas semer quelques désordres régulièrement.


Et puis… et puis… et puis il y a Vittorio Gassman, qui est beau comme un soleil, et que j’aime pareil que Brel aime Frida. Je maintiens que Vittorio a été très beau de 46 à 58, douze années qu’on peut lui envier, avant de préférer être drôle, choix de carrière judicieux, pour les quarante années suivantes. Il est ici Sergeï Pariatine, parent du Tsar, et ça me fait un peu rire et franchement plaisir qu’un judéo-rital incarne si bien un prince du sang russe. Je vous passe les détails disneyens de ses aventures avec Gina, mais sachez qu’un pavillon de chasse y jouera un rôle, et c’est bien suffisant normalement pour vous intéresser.


Evidemment tout ça n’a aucune profondeur et la toute fin est bâclée, mais enfin l’esthétique minnellienne de Robert Z. Leonard, qui me semble être un yes-man américain qui fait ça au métier, le Paris de la Belle Epoque en carton-pâte, c’est-à-dire comme on l’aime, les beaux yeux et le reste de Gina, Vittorio sur son cheval, les airs d’opéra, le passage par Saint-Pétersbourg… il n’en faut pas beaucoup plus pour être heureux pendant deux heures, vous savez.

Duan

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