Le formidable Voleur de Bicyclette et l'émouvant Umberto D. ont planté les graines de ma curiosité et de ma soif de découverte pour le cinéma de Vittorio De Sica.


La vision de La Ciociara n'a fait que confirmer cette envie, même si le film délaisse un temps le néo réalisme et la vision sociale et économique de l'Italie d'après-guerre pour planter sa caméra, cette fois-ci, quelques années plus tôt, en pleine seconde guerre mondiale. Seul très léger accroc de l'oeuvre, celle-ci perd quelque peu de la spontanéité des acteurs amateurs qui faisait une partie du merveilleux et de la grâce des films que j'ai vus jusqu'ici.


Mais Vittorio De Sica ne perd rien de sa puissance fragile qui en dit énormément sans pour autant pousser le pathos et l'apitoiement pour les personnages qu'il met en scène. C'est tout d'abord, certainement, parce que la guerre n'est qu'un arrière-plan, une menace qui plane, indistincte, et que le peuple italien est dépeint dans sa volonté de survivre au conflit et d'en finir, quelque soit la nation qui sortira vainqueur des affrontements. Se cotoient dans cette campagne montagneuse des réfugiés, des allemands en déroute, des américains, des russes, français ou encore des goumiers, qui traversent l'écran pour rapidement en sortir, telles des ombres toutes aussi anonymes que dangereuses.


Si le contexte tient une grande place dans l'oeuvre, c'est surtout le parcours de Sophia Loren et de sa fille sur lequel Vittorio De Sica semble s'attarder. Itinéraire à la fois magnifique et tragique d'une mère qui n'a pour unique but que de soustraire l'enfance du danger des armes. C'est cet amour qui émeut le plus, tant il est naturel et beau, tout en se montrant parfois sous un jour sur-protecteur et envahissant. L'amour à sens unique qu'éprouve le personnage de Jean-Paul Belmondo pour cette louve ne fera que brouiller un peu plus cette relation fusionnelle et exclusive. Sophia Loren est d'une beauté latine et solaire. Son personnage, lui, s'interdit d'aimer une autre personne que celle issue de son propre sang, tout en se soumettant, de rares fois, aux impératifs de la nécessité et de la survie. Son histoire, marquée par l'absence de sentiments vrais ne la rend que plus admirable dans sa volonté de protection.


L'irruption finale n'en est que plus tétanisante et tragique, transformant la relation mère/fille en souffrances muettes qui ne sont plus que côte à côte, relevant de l'indicible tant l'enfance a été broyée et la culpabilité trop lourde à porter. Comme pour dire que, malgré la fuite, la souffrance inhérente au conflit s'imposera, d'une manière ou d'une autre. Prenant son dû, abîmant l'innocence et enseignant avec la brutalité de la réalité la difficile école des femmes.


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le 5 nov. 2015

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