"Qu'est-ce qui te plaît le plus, réellement, dans la vie?"

Ce film d’auteur jouit de la particularité d’avoir deux visages. Il célèbre d’abord la belle Rome, filmée de manière harmonieuse et artistique et accompagnée de mélodies (parfois) à connotations religieuses mais bellissimes. Elles peuvent d’ailleurs gêner ou émouvoir selon notre rapport à la religion mais il est certain qu’elles ne peuvent générer l’indifférence tant leur empreinte magnifie et les décors, et le caractère profond du film.
D’un autre côté, les décors et les personnages changent : c’est une farandole de luxe et de faux-semblants avec des personnages certes amicaux mais vaquant de soirées huppées en soirées huppés lorsqu’ils n’occupent pas leur temps à leurs séances de botox ou à l’engouement des nouveaux phénomènes de mode. Leur quotidien est marqué par le « blah blah » incessant de leurs réussites et par l’excès de leurs passions hédonistes.
Et Puis. Il y a Jep. Jep Gembardella. Le personnage principal du film de Paolo Sarrentino. Jep est la béatitude incarnée. Critique brillant, « destiné à devenir écrivain », il se meut dans la même farandole que ses amis à cela près qu’il s’ennuie profondément, qu’il n’a plus écrit un seul livre depuis le succès de son seul et unique chef d’œuvre et qu’il aime à repenser mélancoliquement à sa première passion amoureuse, celle qui lui a inspiré l’écriture de ce premier livre, « La Comédie Humaine ».
Le film repose sur ses contemplations paisibles bien que ce ne soit pas sans un cynisme bienheureux qu’il commente les hypocrisies de la religion (l’action se déroule bien, après tout, dans son berceau), de ses amis et de sa vie dans ce cocon doré auquel il n’accorde plus aucune valeur.
Il recherche au contraire cette vérité cachée par un « trop plein », ce fameux débordement de superflue qui lui obstrue l’horizon et l’empêche d’écrire à nouveau. Certains thèmes, comme la mort, la maladie et l’art sont tournés en dérision mais jamais Sarrentino ne le fait gratuitement, et pour preuve : Jep souffre tout en étant un peu niais, satisfait et largement repu de tous les plaisirs que l’argent lui a permis de savourer.
On adhérera donc –ou pas- avec le message du film. On admirera peut-être son côté avant-gardiste tout en chipotant sur sa mise en route un peu longue et au premier abord difficile à suivre (bien que d’après moi, ce film soit un chef d’œuvre et a amplement mérité son Oscar). Il parvient simplement à transmettre, en se servant de deux extrêmes, l’esprit culturel et historique de Rome, tiraillée quasi-simultanément entre son aspect angélique, pur et sculptural et sa face cachée, plus sombre, éclatante mais toujours élégante.
Enfin, la rencontre marquante entre Jep et Sainte Marie (une autre), clôt le film sur un message optimiste : les amoureux des jolies fins et du cinéma d’auteur italien ne pourront donc qu’être comblés…
Signora_Gui
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le 26 janv. 2015

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Bloody Heaven

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