ça dézingue à tout va la France coloniale, j'aime beaucoup.

Des colons français imbéciles apprennent avec trois ans de retard que la guerre de 14-18 a éclaté et décident d'aller faire la peau aux trois Allemands qui habitent à quelques kilomètres plus loin et sont habituellement les clients de l'épicier, M. Rechampot (Jacques Dufilho). Le Sergent Bosselet (Jean Carmet), poussé par un accès de patriotisme aviné collectif, décide d'enrôler ses nègres dans une attaque improvisée. Mais les Boches ont une mitrailleuse et les indigènes tombent comme des mouches. Dépassé, Bosselet confie la conduite des opérations à un jeune ulmard, Hubert Fresnoy, auparavant brocardé comme un intellectuel rêveur. Fresnoy se découvre une âme de petit Napoléon. Mais les Anglais arrivent, et annoncent que la guerre est finie. Hubert se découvre un camarade dans le jeune officier allemand. Ils avouent tous deux avoir oublié le socialisme de leur passé étudiant.

C'est une grosse farce, tournée en Côte d'Ivoire, avec des acteurs traditionnels du café-théâtre (Carmet, Dufilho, Maurice Barrier, Claude Legros). On ne trouve pas le côté ronflant du J.-J. Annaud actuel. C'est vachard, anticolonialiste en diable, antimilitariste. Les pères blancs échangent des crucifix contre des fétiches qu'ils brûlent faute de penser pouvoir les vendre "même à Concarneau, le mauvais goût breton a des limites". L'épicier Rechampot, premier à donner des leçons de patriotisme, est aussi le premier à se débiner (avec cette magnifique réplique : "Si les boches arrivent...on... on se rend pas mais... mais faut pas qu'y arrivent, hein !"). Scène mémorable aussi où il cache son sucre pour faire du marché noir et se fait pincer.

Les Noirs ont leur mot à dire, à commencer par ce mémorable "Ils s'amusent ! Tant mieux, ils nous feront pas chier demain". Ou encore les coups imbéciles et laids, ou les sermons faits en français à des indigènes qui ne les comprennent pas. Mais aussi ces indigènes que l'on plie de manière ridicule aux uniformes, qu'ils soient allemands, anglais ou français. Indigènes qui chantent en yoruba des chansons insultantes pour les Blancs qui, faute de les comprendre, s'extasient devant leur beauté.

Le film est fort bien écrit, bourré de phrases mémorables de bêtise, souvent dans la bouche de Jean Carmet : "J'ai fait le con... normal... chuis con" ; "Non mais en dépit de son éducation... c'est un homme !". "Faut pas croire... Les tirailleurs ils sont comptés : on vous en donne six, faut en rendre six. Comme si c'était des Blancs !".

Bon, et ça se voit que Annaud est fan de l'Afrique. Sans tomber dans la vision de carte postale, d'ailleurs. A mon sens Annaud s'en tire même mieux, et vise plus juste, que le "Coup de torchon" de Tavernier, postérieur de quelques années.
zardoz6704
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le 15 nov. 2013

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