ATTENTION, SPOILER.

La Vie est belle est un produit typiquement hollywoodien. Il intervient au bon moment : en 1946, au sortir de la Seconde Guerre Mondiale - qui a moins ébranlé le moral américain que celui européen, mais quand même - et surtout, dans le creux entre la crise de 1929 qui commence à peine à se résorber grâce à ladite guerre, et les Trente Glorieuses. Les spectateurs ont alors bien besoin de baume au coeur.

Pour ce faire, le film fonctionne comme un grand 8.

↗ tactactactac...

D'abord on monte : la vie du héros est déroulée pendant deux heures sous la forme d'une lente déchéance, et on sait que ça va mal finir puisqu'on nous annonce dès le début qu'à un moment, il va vouloir se suicider.

↘ fiiiiiioooooush !!

Et puis à la fin, on descend d'un coup, dans une explosion de hurlements de joie : youpi, tout s'arrange pour ce brave Bailey !

Et là, le spectateur, devant ce spectacle si optimiste, se dit : "ce film vient de me faire comprendre que je me trompais, la vie n'est pas si nulle, regarde-moi ce brave James Stewart, si heureux, si joyeux, je veux être comme lui !"

(http://www.youtube.com/watch?v=l0syLFyuiHE)

La magie du cinéma.

Quelle ironie de voir que c'est Hollywood, capitale pourrie du cynisme, de la cupidité et des dents qui rayent le parquet, qui est la plus grande spécialiste pour nous expliquer en un jet de poudre aux yeux que la vie est tellement magnifique et positive.

Quand on y réfléchit, en fait, tout n'est pas si rose. Déjà, des George Bailey, ça n'a jamais existé. C'est un idéal, un personnage de conte.

→ Sauver une vie, c'est déjà pas le lot de tout le monde. Mais en sauver deux…
→ Ne croyez pas que, si vous n'aviez pas existé, votre femme aurait fini vieille fille. Elle se serait certainement marié avec un autre type. Et d'ailleurs, les statistiques du divorce nous prouvent que même si vous existez, il y a des chances qu'elle finisse quand même vieille fille.
→ Non, si vous n'aviez jamais eu d'enfants, ils ne seraient pas tristes de ne pas être nés, puisqu'ils ne seraient pas nés. Et vous ne seriez pas non plus triste de ne jamais en avoir eu, puisque vous non plus n'êtes pas né.
→ Votre ville natale ne serait pas différente si vous n'étiez pas né. Votre maison ou votre appartement serait juste meublé différemment.
→ Si un jour, vous êtes dans la merde, aucun ange ne viendra vous aider. Ça n'existe pas, les anges.
→ Et dans la vraie vie, les riches comme M. Potter ne sont pas des vieux aigris profondément malheureux, et les pauvres ne sont pas des braves gens qui gagnent à la fin. Dans la vraie vie, j'ai plutôt l'impression que les aigris malheureux sont des pauvres, et que ceux qui ont gagné, ce sont les M. Potter (ah, c'était donc ça la crise de 2008 ?).

Je sais ce que vous vous dites : "Bon bah ça va ! Je sais que c'est du cinéma, qu'Hollywood est une usine à rêve avec des centaines de M. Potter à sa tête. Tu peux pas me laisser profiter un seul instant de la joie factice que ça me procure, espèce de rabat-joie ?!"

C'est malheureusement ce qui se passe quand on regarde des films comme ça. Les contes de fées qui sont comme l'opium qu'on donne à une société mourante. Quand arrive le générique, on a un sourire béat aux lèvres, et quand l'écran noir revient, on réfléchit un peu, et on se rappelle que la vie n'est pas si belle que ça.
GiorgiodeRoubaix
6

Créée

le 30 août 2013

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