Labyrinthe
6.4
Labyrinthe

Film de Jim Henson (1986)

À dire vrai, j’ai regardé ce film essentiellement parce que Jennifer Connelly, et secondairement parce que j’aime bien les labyrinthes. J’ai été désappointé pour tout.

Jennifer joue une jeune fille, Sarah, très niaise et pas très futée (enfin si, mais sélectivement seulement), qui a du mal à supporter ses parents et surtout leurs fréquentes sorties le soir, l’obligeant à garder un bébé. Un de ces soirs, elle, étant douée d’une imagination de jeune fille, souhaite, ayant eu marre des pleurs de son frère, que les gobelins l’enlèvent dans leur ville, qu’il la fasse plus chier. Ce qui, à son grand dam, arrive. Le roi des gobelins dit à Sarah catastrophée qu’elle pourra seulement récupérer son frère si elle parvient en 13 heures jusqu’à la capitale des gobelins située au milieu d’un labyrinthe magique.

Et là les choses sérieuses devraient commencer. Mais malheureusement le film reste aussi superficiel et fade que le début, avec ses poupées ternes (car 4 acteurs en tout ont joué leurs rôles: le reste a été assuré par des marionnettistes, je ne sais pour quelle raison) et sans vie, sa linéarité navrante, ses chansons sans inspiration. La majorité des personnages sont resucés de Alice au pays des merveilles et sa suite, ainsi que d’autres histoires semblables que je ne connais pas: l’espèce de verre au début qui indique le chemin à Sarah, ou les espèces de boucliers à 4 têtes de chien. Un nain casse-couilles accompagne la jeune fille, déchiré entre son obéissance au roi des gobelins et son amitié pour elle (amitié quelque peu forcée, vu qu’elle doit lui ravir ses bijoux pour obtenir de l’aide). Ensuite se joignent à lui un gros monstre sympathique mais mentalement sous-développé et un espèce de renard se servant du chien de Sarah comme destrier (je me suis aussi demandé ce que faisait le chien ici, vu qu’il n’a pas été là au départ, donc je me suis penché en faveur de la théorie que Sarah a tout imaginé (appuyée par plusieurs autres faits présents d’abord dans la chambre de la fille puis apparaissant un peu changés dans le labyrinthe), ou alors que ce film n’a pas de cohérence). Les poupées étaient peut-être censées corroborer la magie de l’univers montré, mais elles ont produit l’effet contraire sur moi: j’ai senti Jennifer suspendue au milieu de ce monde mécaniquement animé en sa présence mais FAKE et figé sans elle.

Le deuxième défaut très gênant est la linéarité du film. Pour un truc se proposant de dépeindre un labyrinthe c’est un comble. (M’enfin, pour être un peu didactique, c’est pas tout à fait le cas si on considère spécifiquement la signification de «labyrinth» en anglais, distincte de «maze». En effet, le premier désigne un chemin très sinueux, avec une seule route mais allant devant et revenant, alors que le second a le sens que le premier devrait pourtant avoir, à savoir nœud complexe de chemins.) Je ne sais comment exactement justifier cette linéarité, sinon par l’absence de fond féerique, de monde vivant venant soutenir la quête de Sarah. On n’a jamais l’impression que derrière un mur on puisse rencontrer quelque chose d’étrange et inquiétant, ou autre chose qu’une impasse. Là, tout apparaît en carton-pâte et parfois cheap (même si je dois reconnaître l’immense (et souvent admirable d’artisanat) travail de l’équipe du film), sauf au tout début, quand Sarah entre juste dans le labyrinthe.

La musique est moche, et quand le chant arrive j’ai dû subir, quoique n’ayant pas eu envie d’avancer le film. Une ou deux fois le rythme de percussions so eighties fait hocher la tête, mais la plupart du temps j’ai regardé sans adhérer.

Les acteurs sont en fait 2: Jennifer elle-même et le roi des gobelins, joué par un chanteur connu (mais que je connais pas). Jennifer joue pas trop mal, mais quelque chose manque dans ses interactions, ça doit être la faute aux poupées, ou à la direction, ou au scénario dégoulinant de bons sentiments et aux cicatrices de nombreuses réécritures. Elle est fort jeune ici, et pas encore aussi jolie qu’ensuite; de surcroît, l’entourage trop artificiel l’a assimilé, et elle vague à travers le labyrinthe comme contrôlée par un marionnettiste elle aussi, et privée de sa féminité naissante. J’ai pas du tout aimé l’autre acteur, espèce de rock star androgyne à la coupe de cheveux au goût douteux, surtout, je pense, pour incarner le principal antagoniste. Il m’a vraiment dérangé. Concernant sa présence, j’ai trouvé, même si ça doit être voulu, qu’il était terriblement seul au milieu des autres gobelins poupées (notamment plusieurs fois, quand il rit diaboliquement, il doit exhorter les autres à rire avec lui). Une esquisse de ce qu’aurait dû être ce film.

Toujours à ce propos, j’ai lu que normalement, selon donc l’intention du réalisateur, le film devait traiter le thème de la prise de responsabilités caractéristique de l’imminent âge adulte. Mais j’ai quasiment nulle part vu ça. Le bébé que Sarah sauve est certes un peu le truc, mais si elle imagine tout, alors ça peut être pris comme une distraction de sa tâche de surveillance. Même sans ça, le choix est fortement influencé par l’épée de Damoclès que deviennent les parents qui vont revenir et la juger pour son action stupide. Encore une chose, je croyais que la prise de responsabilités s’accompagnait nécessairement non pas par forcément la destruction et l’abandon des choses imaginées, mais au moins par une vision plus nette de la séparation devant affecter la réalité et la fantaisie. Or à la fin, quand le nain dit «tu peux nous appeler quand tu veux, pour quelque raison que ce soit, nous serons toujours là pour toi», Sarah lui répond «J’ai besoin de vous, maintenant et toujours, pour aucune raison particulière», et les créatures fantastiques entrent dans la chambre réelle. Ça sonne pour moi davantage comme un retour à la case départ.

Pour finir, le film m’a semblé plat et dénué d’enjeux réels, avec décors sûrs et jamais dangereux (et quelles responsabilités sont acceptables lorsque aucune conséquence ne peut heurter?), et peuplé de créatures plus ou moins sans âme. Le labyrinthe s’est avéré nul, et Jennifer Connelly décevante.
Owen_Flawers
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le 31 mai 2013

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Owen_Flawers

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