Entre excellence et abjection

"Lady Vengeance" clôt la trilogie dite de la "vengeance" de Park Chan-Wook de manière pour le moins discutable : entre de saisissants éclairs de génie qui traversent régulièrement le film, un sens de la manipulation parfois réjouissant, surtout dans la première partie du film - la plus intrigante, travaillant astucieusement la complexité de l'héroïne, entre ange de miséricorde et monstre de froideur ("la sorcière") -, et un quasi naufrage lors de scènes moralement inacceptables, voici un film qui oscille follement entre excellence et abjection. Bien sûr, les qualités de "Lady Vengeance" sont nombreuses, en particulier au niveau purement technique : la construction brillamment éclatée de la première partie, extrêmement stimulante, le dynamisme d'une réalisation qui souffle alternativement le froid (glacial) et le chaud (brûlant) sur les personnages, la beauté lyrique de nombreuses scènes qui marquent durablement la mémoire... Dommage donc que Park Chan-Wook n'ait pas mieux mesuré la maladresse de son scénario, qui comporte bon nombre de faiblesses : tout ce qui tourne autour du personnage de la fille retrouvée est incohérent, tandis que, fondamentalement, cette vengeance soi-disant machiavélique consiste surtout en une suite d'improvisations face à des circonstances imprévues ! Le plus grave dans "Lady Vengeance" - là où Park nous perd - est toutefois l'aberration qu'il y a à souligner la stupidité et l'inutilité de la vengeance (un lieu commun, mais qu'il fait toujours bon rappeler) en filmant des comportements ignobles. Dommage surtout qu'après l'ambigüité stimulante de "Sympathy for Mr. Vengeance" et de "Old Boy", Park Chan-Wook soit ici tombé clairement du mauvais côté de la barrière ! [Critique écrite en 2008 et complétée en 2016]