Kenji est japonais, mais il vit à Bangkok (en Thaïlande) où il évoque mollement un retour possible à Osaka. En fait, s’il écrit une histoire à propos d’un lézard, il est dépressif tendance suicidaire. A entendre le ton méprisant de son frère qui débarque inopinément dans son appartement (la fenêtre donnant sur une rampe de parking), il a déjà plusieurs tentatives à son compte. A la suite d’un concours de circonstances dramatiques, Kenji fuit son appartement et erre en ville, jusque sur un pont où il observe une charmante jeune femme en dangereuse situation, ce qu’il estime évidemment en connaisseur. C’est Nod (selon les sous-titres), qui vient de se disputer avec sa sœur Noï (Sinitta Boonyasak, star locale style Lolita). Il tente d’intervenir… en vain. Plus tard, il est amené à discuter avec Noï qui ne semble ni touchée par le remords ni désireuse de mettre en place une cérémonie à la mémoire de sa sœur. Il faut dire que Noï est une fille incroyablement bordélique, ce que constate Kenji qui la raccompagne chez elle à la campagne. Lui qui est un maniaque de l’ordre est effaré, par l’état du réfrigérateur notamment. Alors que Noï se laisse aller à la rêverie, Kenji s’attaque à la vaisselle qui s’est accumulée dans l’évier…


Un film surprenant et méconnu, par un réalisateur Thaïlandais qui embarque le spectateur dans un univers fait de lenteur, mélancolie, solitude, mais également de poésie teintée de fantastique. La BO est très discrète, ce qui n’empêche pas le film de dégager un charme quasi musical. Trop peu de films thaïlandais nous parviennent pour se faire une idée crédible de l’ambiance du pays, mais l’ambiance et la lenteur de celui-ci rappellent un peu celle de Oncle Bonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (la palme d’or du festival de Cannes 2010), en plus accessible. Ce que montre le réalisateur tient de la difficulté de vivre, de l’espoir de trouver mieux ailleurs (notamment au Japon). Ce Japon est présenté comme un symbole de réussite, mais quelle réussite ? Le réalisateur semble ironiser sur les rêves d’argent facile, en présentant un yakuza venu exécuter un contrat vis-à-vis d’un homme dont il ne connaît strictement rien. Ce yakuza est joué par le réalisateur Miike (oui, celui de Audition notamment) qui joue son personnage de façon étonnamment décalée (ce que le réalisateur souligne dans une interview assez complète dans les bonus, ajoutant qu’il a apprécié la participation de son collègue). Cela donne une touche d’humour inattendue. On observe aussi deux extraits de films que le réalisateur (Pen-ek Ratanaruang) apprécie particulièrement, laissant entrevoir un univers cinématographique assez riche (classiques méconnus du cinéma asiatique).


L’aspect contemplatif est mis en valeur par les belles images du chef opérateur, Christopher Doyle (connu pour avoir travaillé avec Wong Kar-Wai et Zhang Yimou), qui rend esthétiques des images de lieux ne l’étant pas spécialement. Le film ne vire jamais à la romance facile qu’on pourrait imaginer à partir du moment où le face à face entre Kenji et Noï se met en place. La confrontation de ces deux solitudes donne un ton particulier à cette partie. Leur opposition (ordre/désordre) peut être rapprochée de l’opposition Thaïlande/Japon. A noter que les dialogues sont souvent réduits au strict nécessaire, notamment entre Kenji (Tadanobu Atsano, prix du meilleur acteur à la Mostra de Venise 2003 pour cette prestation) et Noï qui s’expriment en anglais par nécessité, un anglais que Noï travaille en vue d’un éventuel départ au Japon. Le réalisateur prouve à l’occasion qu’une communication réelle peut s’établir avec un vocabulaire limité.

Electron
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Cinéma asiatique "moderne"

Créée

le 14 sept. 2014

Critique lue 849 fois

13 j'aime

2 commentaires

Electron

Écrit par

Critique lue 849 fois

13
2

D'autres avis sur Last Life in the Universe

Last Life in the Universe
Petitbarbu
8

La lente décrépitude du monde.

Ost d'Old Boy - The Last Waltz C'est une affiche soignée comme invitation à entrer dans le métrage de Pen-ek Ratanaruang ou l'on voit ces personnages arrimés à leur canapé qu'entoure le vide. Par un...

le 21 août 2016

9 j'aime

1

Last Life in the Universe
Tripnotic
10

There's a world difference between being alone and being lonely

Cette histoire tragico-comique est simple : Kenji est un japonais vivant en Thaïlande et qui croise la route de Noi, une prostituée locale. Ces deux contraires entourés de solitude et de désespoir...

le 21 mars 2012

7 j'aime

3

Last Life in the Universe
KingRabbit
6

Le suicidaire cabot sous perfusion

Le héros japonais, en exil à Bangkok, est un suicidaire semi-débile/semi-autiste (on ne sait pas trop), maniaque, fana d'un autre suicidé mythique (Yukio Mishima), vit dans une baraque totalement...

le 23 mai 2013

3 j'aime

Du même critique

Un jour sans fin
Electron
8

Parce qu’elle le vaut bien

Phil Connors (Bill Murray) est présentateur météo à la télévision de Pittsburgh. Se prenant pour une vedette, il rechigne à couvrir encore une fois le jour de la marmotte à Punxsutawney, charmante...

le 26 juin 2013

111 j'aime

31

Vivarium
Electron
7

Vol dans un nid de coucou

L’introduction (pendant le générique) est très annonciatrice du film, avec ce petit du coucou, éclos dans le nid d’une autre espèce et qui finit par en expulser les petits des légitimes...

le 6 nov. 2019

78 j'aime

4

Quai d'Orsay
Electron
8

OTAN en emporte le vent

L’avant-première en présence de Bertrand Tavernier fut un régal. Le débat a mis en évidence sa connaissance encyclopédique du cinéma (son Anthologie du cinéma américain est une référence). Une...

le 5 nov. 2013

78 j'aime

20