Clip esthétique sur fond d'identité sexuelle

Si sur le plan technique, Laurence Anyways est une oeuvre unique cette année avec son montage visuelle et sonore hors-norme, sur le fond, le film pêche par quelques imperfections, des facilités et et des longueurs interminables.

Xavier Dolan, jeune réalisateur d'à peine 22 ans, multi-récompensé à travers le monde est l'un des grands espoirs à suivre. Tellement acclamé que son ego surdimensionné lui a valu de nombreuses critiques après que ce dernier se soit indigné contre la sélection cannoise de cette année (il a fait partie de la sélection Un Certain Regard, tandis qu'il se voyait dans la sélection officielle). Je n'ai pas vu ses précédents films mais le sujet m'intéressait, et puis ça reste l'espoir à suivre.

Qu'on soit d'accord : Xavier Nolan a tout d'un grand. Non seulement, il est touche-à-tout (réalisation, narration interprétation, montage et même création de costumes) et il a une esthétique quasi-unique dans le cinéma d'auteur à l'heure actuelle. Parfois, il en fait trop avec des couleurs pétillantes à l'écran et des plans trop artistiques pour un sujet aussi dramatique, mais parfois sa subtilité l'emporte et poétise le sujet de manière lyrique. Il n'y a pas à dire, sa photographie est d'une performance incroyable pour son âge et les musiques qui l'accompagnent donnent un côté "young generation" à ce film. La retranscription des années 90 est par ailleurs complètement aboutie. Un véritable retour dans le temps où le kitch nous gagne.

Et puis que dire de son casting en or : Melvil Poupaud brillant dans sa quête d'identité mais aussi dans sa transformation. La plus impressionnante reste cependant Suzanne Clément. Définitivement la star du film, où son personnage évolue, passant de jeune adulte à femme confirmée, tiraillée par les remords. Nathalie Baye vient compléter brillamment cette équipe en interprétant une mère austère.

L'alter-sexualité, c'est un sujet bien d'aujourd'hui. Entre les débats sur l'homosexualité qui alimentent les conversations et le regard sur eux ainsi que sur les transsexuels, Laurence Anyways arrive à point nommé et tend à donner quelques pistes de compréhensions : Pourquoi vouloir devenir femme ? Pourquoi tout changer quand tout semble aller pour le mieux ? Pourquoi se mentir ? Comment supporter le regard des autres ? Le personnage de Laurence a toujours vécu dans le mensonge, j'aime cette part de mystère et la non-prise de risque de répondre au "Pourquoi il est comme ça ?". J'apprécie de voir la difficulté de s'assumer, ça pose d'autres questions plus importantes sur l'identité (ne serait-ce que vestimentaire). La transformation de Laurence est intéressante à voir, passant d'un homme extraverti, intelligent à un hermaphrodite indécis dans sa personnalité. Sa relation avec sa compagne est des plus passionnantes. Entre amour, dispute, soutien, colère ou rejet, tout y passe dans ce couple qui explore toutes les phases difficiles de l'amour sans jamais s'oublier. La relation avec les parents est aussi quelque chose de pertinent à montrer, c'est peut-être ça encore le plus dur à accepter : le regard de sa mère et de son père.

Là où ça dérape, c'est quand le film s'étire trop en longueur sur certains points (sa relation avec "les grandes folles") et pas assez sur d'autres (sa compagne Charlotte). C'est définitivement trop long et Xavier Dolan s'emploie à présenter 2h45 de réflexion sur le sujet sans réellement l'affronter en face. Il lui arrive de dériver sur sa relation avec ses parents, sur son couple, sur la société, sur sa relation avec les folles...et au final comme il veut se focaliser sur plusieurs sujets à la fois, il en oublie les principaux et on zappe certains sujets dans notre (in)conscient. Il use de schémas archétypes dans sa dernière partie et conclue sur quelque chose de presque improbable.

Laurence Anyways, ça reste un film agréable. Du bon cinéma d'auteur qui donne à réfléchir, accompagné de moyens techniques brillants (montage, photographie, sons) et d'une interprétation d'acteurs à la hauteur de l'ambition du film. Seulement l'ambition du film était trop haute et son sujet pas aussi complété qu'on ne l'aurait espéré. Il en ressort donc un film gâché sur le fond, brillant sur l'esthétique (parfois trop accentuée). Comme Xavier Dolan le dit, c'est peut-être SON meilleur film mais il n'en reste pas moins exempt de défauts. Comme l'a montré la séléction cannoise.

Le quatrième sera peut-être le film qui oeuvrera pour sa reconnaissance.
Softon
7
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le 7 déc. 2012

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Kévin List

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