A l'image de Melvil Poupaud qui se sent femme, emprisonné dans un corps masculin, je réalise, à l'issue (longue) de Laurence Anyways, que je pensais être un cinéphile alors qu'en réalité, une nature de gros con bourrin voulait émerger depuis tant d'années.
Car pendant le film de Xavier Dolan, je suis passé par plusieurs émotions... Non, à la vérité, par une seule, qui a pu se décliner au fur et à mesure de l'oeuvre :
J'ai tout d'abord éprouvé le même sentiment que celui que je ressens en soirée, à rêver de toutes ces filles à la beauté froide, hautaine et indifférente, celles dont on sait pertinemment qu'elles seront à jamais inaccessibles pour quelqu'un de simplement normal.
Un sentiment de mise à l'écart s'est fait jour, comme si j'avais été invité à un cocktail rassemblant le gratin de la philosophie et que je n'avais pas compris un traître mot des sujets abordés et de ce qu'il s'était dit.
Enfin, j'ai eu l'impression de prendre sur moi, comme quand je me force à manger quelque chose que tous les convives adorent, pour faire honneur à la maîtresse de maison, alors que je sais au fond de moi que je déteste intensément.
Tout cela pour dire que je suis resté indifférent au film et à son propos. Non... Je pense plutôt que Xavier Dolan, la nouvelle coqueluche d'une certaine critique, n'a pas réussi à me prendre par la main pour me faire entrer dans son monde et partager son univers. Pourtant, on peut comprendre les sentiments qui habitent Laurence et ce qu'il traverse. La thématique semblait aussi intéressante, avec l'entourage de cet homme pris dans la tourmente que provoque cette révélation. Le propos est même parfois pertinent, avec la démonstration de l'acceptation toute relative de ce que certains considèrent comme une déviance et de la bien pensance qui se heurte au mur de la réalité brute. Mais malheureusement, Dolan n'a tout simplement jamais su m'impliquer...
D'autant plus que le film souffre, à mon sens, de douloureuses longueurs passé le cap de la première heure et qu'il se noie peu à peu dans les ruptures et les retrouvailles de son couple vedette qui ne peut s'aimer sans pour autant se quitter. Si quelques fulgurances et belles images ravissent l'oeil du spectateur, elles sont systématiquement annulées par certains tics et affèteries du réalisateur qui deviennent énervants à la longue : ralentis ostentatoires, caméra tremblotant de manière gratuite...
C'est difficile de se dire qu'au final, j'ai ressenti bien plus de choses devant une grosse cylindrée qui joue à saute-immeubles, une communauté de super-slips repoussant une invasion de silures extra-terrestres, un alien ridé qui radote à tout bout de champ "Maison !!!", un robot qui compacte des déchets, des oiseaux qui attaquent ou une icône chromée du voyage temporel dont les yeux rouges surgissent des flammes du Jugement dernier.
Dolan aura au moins eu ce mérite : celui de me faire réfléchir, via le questionnement sur l'identité de son héros, sur ce que je suis réellement et ma manière d'appréhender l'art cinématographique idéalisé par la critique. Et me faire prendre conscience que ce que je pensais jusqu'à présent n'était qu'un mensonge à moi-même : à l'évidence, je ne suis pas cinéphile.
Dur de réaliser que nous ne sommes pas ce que nous disons être.
Behind_the_Mask, qui rend sa carte d'abonnement cinéma.