Clint était critiqué depuis American Sniper et Sully. Comme d'hab' quoi, dès qu'il s'agit, pour les bien pensants, d'égratigner son côté réac' et ses soit disant célébrations du héros américain. On n'a pas dû voir les mêmes films, mais bon...


Tout cela pour dire que ce qui était annoncé comme un véritable triptyque, en enchaînant ce 15H17 pour Paris, augurait d'un certain point de vue, d'un message pas si US friendly que certains dénonçaient dans une sorte de gâtisme verbal frôlant le rabâchage.


Sauf que Le 15H17 pour Paris est loin de la réussite attendue parce que c'est le grand Clint derrière la caméra, du chef d'oeuvre anticipé parce qu'il ne peut pas faire des films totalement mauvais.


On pourra envisager ce dernier opus comme un reflet inversé d'American Sniper, mais malheureusement totalement lissé, sans aucune aspérité, sans aucun côté sombre traversant les trois personnages principaux.


Et là, c'est le drame.


Parce que Clint, pour la première fois, se plante totalement dans le choix de son sujet, à l'évidence. En effet, le fait divers, cette tentative d'attentat avorté ne représente par essence qu'un micro événement, trop fugace pour réellement porter au delà de l'instantanéité de l'information BFM TV, pas assez spectaculaire et ne s'inscrivant pas dans l'Histoire contemporaine de manière indélébile. N'offrant dès lors que très peu de matière cinématographique à exploiter.


Voilà donc qu'on y greffe les figures de héros, celles qui, encore une fois, feront hurler à la lune l'intolérant au patriotisme US fantasmé, dans un Americana !!! horrifié.


Sauf que même en déplaçant l'objet des débats sur ses trois protagonistes, Clint ne raconte pas grand chose de plus. Ce n'est pas totalement de sa faute, cependant. Car quand survient l'action, le temps de deux éclairs fugaces puis de la reconstitution de l'attaque, le metteur en scène semble enfin concerné, renouant avec sa hargne et son sens de la caméra capturant l'urgence et l'instinct animal de survie.


Non, le très gros problème de ce 15H17 pour Paris, c'est de ne rien nous épargner de la naissance de l'amitié entre ces trois là, qui fait illusion en début de séance et brosse un drôle de portrait de l'Amérique des familles monoparentales, de son rapport avec les armes, de la religion et du système scolaire. Il ne nous épargne pas plus ces trois personnalités extrêmement banales d'américains à la lisière de l'underdog, leur vie sans relief particulier, leur absence d'ambition et leur questionnement mou sur l'existence et le sens de la vie.


Au point que l'ennui s'éprouve de plus en plus profondément, culminant dans un deuxième tiers en forme de road trip sombrant dans une certaine forme d'inanité puisqu'il est dépourvu, finalement, de tout conflit.


La faute n'incombe pas à Clint. Pas plus qu'aux vrais protagonistes du drame, qui ne sauraient être jugés par leur performance vu qu'ils investissent le rôle qu'ils connaissent le mieux : le leur. Il pourrait peut être leur être reproché un manque de charisme, mais l'approche d'Eastwood tend cependant à se rapprocher au plus près d'une certaine vérité.


Après, il est aussi étonnant de constater que ce 15H17 pour Paris manque à convoquer l'ensemble des problématiques actuelles du cinéma de Clint, tant il apparaît plat et peu concerné. Comme si le réalisateur regardait les choses de loin, de manière détachée, comme l'ermite qui a décidé de se retirer. Il filme de son oeil neutre ses sujets. Sans les incarner. Sans que le spectateur se montre plus intéressé que cela.


Quel dommage dès lors de ne pas avoir cherché de l'autre côté de la barrière, pour faire exister un peu plus ce terroriste anonyme, sonder ses motivations, floues, ce qui l'animait. Car vu du côté obscur, dans l'intimité des toilettes d'un Thalys circulant entre Amsterdam et Paris, sûr que ce nouveau Clint aurait été plus palpitant, plus dark, plus intéressant à suivre.


Car en l'état, Le 15H17 pour Paris ne provoquera, entre deux plans de son attaque, qu'une espèce d'ennui détaché et poli.


Behind_the_Mask, victime d'une panne de motrice en rase campagne.

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le 7 févr. 2018

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