Qu'est-ce qu'un héros ? Du moins, qu'est-ce qu'un héros américain ?
Manifestement, cette question, qui semble fasciner Eastwood depuis plusieurs années, mérite d'être posée. Après American Sniper et Sully, le réalisateur poursuit donc son exploration de destins incroyables de petites gens hissées au statut héroïque pour leurs actes. Cette fois-ci, l'histoire, encore fraiche dans les mémoires, est connue de tous. Inutile d'indiquer le sempiternel "d'après une histoire vraie" en début de métrage, le public sait ce qu'il vient voir, et la mise en scène quasi documentaire ne cessera de nous rappeler qu'on est là dans une reconstitution des événements.


Mais à quoi bon ? Si la question est pertinente, elle n'en demeure pas moins très gênante et creuse dans le cadre de l'attaque avortée du Thalys. Tout, dans ce film, respire la récupération précipitée et opportuniste. Ce qui frappe le plus tout au long de ces 90 minutes, c'est l'absence totale de recul, et donc de regard sur les événements. Cela se ressent aussi bien dans l'écriture que la mise-en-scène, qui semblent s'être mise d'accord sur l'absence d'inspiration. Le script ne fait donc que rapporter des faits, de faire une compilation de micro-événements depuis l'enfance jusqu'à la fameuse attaque, le tout filmé platement, avec une image absolument pas traitée (mais où passé le chef opérateur ?). Pire, durant tout l'épisode juvénile des 3 protagonistes, le montage des séquences, entrecoupées par des bribes de l'attaque du train, semble suggérer que les morceaux choisis ont été des pièces fondatrices et décisives dans leur acte héroïque. Une véritable psychologie de comptoir finissant de révéler la fainéantise du projet.


Mais au moins, on peut noter une tentative d'analyse et de point de vue dans cette première partie, aussi maladroits et idiots soient-ils. Ce qui n'est même plus le cas de la seconde partie, se focalisant sur le voyage en Europe des 3 protagonistes, incarnés par les 3 hommes dans leur propre rôle. Le film atteint alors un sommet de vanité en se contentant d'empiler les visites clichées à Rome, Venise, Berlin puis Amsterdam. Eastwood n'a absolument rien à dire dans cette partie, rien à montrer, autre que "comment en sont-ils arrivés à prendre ce train pour Paris, alors que cette destination n'était pas prévue au programme ?". On est au niveau zéro de la narration, et pour cause. Cet épisode n'a, de base, aucune raison d'être raconté. Il s'agissait juste de 3 types en voyage qui se sont retrouvés dans ce train par hasard. Et le film n'en tire absolument rien de plus, ne crée aucune dramaturgie autour, ne construit pas de personnage. Rarement le terme "vain" aura été aussi approprié. Le réalisateur semble complètement oublier son sujet en cours de route.
On se consolera juste avec les 10min de l'attaque, plutôt bien emballées, même si on peut s'interroger sur la dimension voyeuriste du projet quand le seul intérêt consiste à voir l'horreur se produire.


A trop vouloir coller à la réalité, Eastwood a tout simplement oublié l'essentiel : raconter une histoire, et faire un film.

nicolaslopez1
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le 8 févr. 2018

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nicolaslopez1

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