Clint Eastwood, sûrement un des bonhommes les plus importants du cinéma américain qui n'est pas encore catalogué en tant que vestige du passé, a poussé encore plus loin le principe de biopic, genre où il n'est évidemment pas à son coup d'essai (Sully, American Sniper, J. Edgar...).


En effet, le trente-huitième film du cinéaste a la particularité intéressante d'avoir la même distribution que l’événement qu'il raconte : à savoir les trois américains concernés par l’attaque terroriste contre le Thalys en 2015 qui ont ici rejoué leur propre rôle.
Eastwood offre donc avec cette œuvre la parfaite représentation de l'histoire ayant eu lieu, du point de vue des protagonistes, comme un parfait voyage dans le temps.
Mais une parfaite reconstitution donne t-elle un film parfait ?


Le film s'attaque peu sur les événements en question, s'attardant tout d'abord au passé commun des trois américains : Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sadler, leurs difficultés scolaires, leur famille ainsi que leur engagement dans l'armée (pour les deux premiers seulement).
Une bonne idée au départ, même si elle aurait pu être mieux traitée, car le grand défaut de cette reconstruction est qu'un seul personnage prime sur les autres : Spencer Stone, sa vision de la vie, ses rêves de grandeur et d'altruisme, son régime, ses échecs, etc. Tous ces ingrédients font de ce film un film d'abord axé sur ce personnage au détriment des autres.
S'ensuit ensuite le voyage en Europe, la partie la plus dispensable du film, où il est question de selfies, de jérémiades d'Anthony et de lendemain de cuite.
Puis enfin, la scène phare du film. L'attaque du train immerge complètement le spectateur dans l'action, propulsant celui-ci dans la tête des protagonistes, avec réalisme et violence, mais hélas avec rapidité. Ce qui est excusable, car l'acte de bravoure était dans les faits tout aussi expéditif que dans son adaptation.


Le résultat est un film correct, avec du bon comme du moins bon. Mais le grand mérite de ce film réside dans son originalité au point de vue de son casting, car il ne s'agit pas de diriger un comédien, mais trois personnes n'ayant aucun lien avec le cinéma, et si cette lacune se fait ressentir à certains moments (on sent comme de l'improvisation calculée à certains passages, aussi bien dans les réactions que dans les répliques des personnages), Eastwood réussit son pari, en donnant l'impression qu'il n'y a aucune limite entre le cinéma et la réalité, car au contraire de tous ses biopics précédents, au contraire des histoires retranscrites sur grand écran par d'autres géants du septième art, Clint a délivré un fait "brut", sans lui donner une image romancée.


Le film, descendu par certains et dénoncé comme un «film de propagande», a néanmoins eu le culot d’exposer des faits. Non sans se préoccuper du point de vue exposé (et mal interprété par notre nation) ici, l’américain Eastwood a mis la main à la pâte pour reconstituer un événement ayant eu lieu dans l’hexagone, chose que nos cinéastes français actuels n’ont même pas essayé d’accomplir, peut-être en ayant eu peur que cela les montre comme prenant un parti.
Le cinéaste n’expose pas la puissance américaine ni fait de la propagande avec ce film loin de là. Il parle du courage de trois héros, américains certes, mais pas en tant que nation, mais en tant qu’individus. Et le film soulève une question plus importante que cela : Peu importe notre nationalité, à leur place, aurait-on fait la même chose ?


Expérimental, pas très conventionnel, le nouveau Clint Eastwood (dont chaque film est un événement), s’il n’est bien sûr pas son meilleur film et est à quelques années lumières de ses perles du passé, reste son plus poussé dans l’approche de la reconstitution d’un fait, et de par cette originalité, s’il n’est pas très divertissant, reste un film à voir au moins une fois.

Tom-Bombadil
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le 11 févr. 2018

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