"Spielberg revient dans un film pour enfants !", "Enfin un nouveau film jeunesse de Spielberg !" semblent s'exclamer les journaux depuis la présentation du BGG à Cannes au mois de Juin. Lors de sa présentation, le film n'a pas vraiment fait l'unanimité auprès de la presse, même si la critique américaine se fait plus clémente. Malgré ces assez bonnes critiques, le film fait actuellement un flop au box-office, pas aidé, il est vrai, par une date de sortie plutôt incompréhensible. Est-ce que le public de Spielberg a trop grandi pour apprécier ces œuvres enfantines qu'il réclame pourtant a cor et a cri ? Et surtout, est-ce que quelqu'un peut me dire pourquoi tout le monde critique son Tintin alors que c'est un chef d'œuvre ?
Le BGG n'est pas facile d'accès. Pas dans le sens "c'est fait exprès parce que c'est compliqué et subtil", non, il n'est pas facile d'accès parce que les 30 premières minutes du film font peine à voir. Il n'y a pas de rythme, pas d'enjeu, vraiment aucun effort n'est fait pour nous immerger dans le monde du film. Spielberg essaye d'introduire un univers enchanteur et poétique, mais ça retombe comme un soufflé raté. Je crois que si je n'avais pas été au cinéma j'aurais abandonné. Ce n'est pas un problème de réalisation pourtant: on retrouve dès les premiers instants les tics du réalisateur, y compris cet amour immodéré pour la lumière volumétrique et le jeu sur les perspectives. Mais rien n'y fait: on baille et on s'ennuie ferme, malgré de très jolies scènes et le jeu convainquant de Ruby Barnhill.
Puis, soudain, quelque chose se passe: un élément perturbateur se met enfin en place, et surtout, on rentre enfin dans la psychologie des personnages. On découvre leurs peines, leurs craintes, leurs motivations. Le rythme du film s'accélère enfin. Et là on se prend au jeu. Les premières émotions nous viennent: de la peur, du rire, des larmes. Le génie de Spielberg reprend le dessus: juste un petit mouvement de caméra, un dessin, une expression sur le visage de Sophie et les larmes nous montent aux yeux. Ce bon gros géant fait enfin fondre notre cœur, malgré son langage étrange qui rebute au premier abord. Il faut dire que joué impeccablement par Mark Rylance (et plutôt bien doublé par un Dany Boon moins agaçant qu'à l'accoutumée), et designé dans un grand respect du style naïf de Quentin Blake, illustrateur attitré de Roald Dahl, il part avec de grandes qualités en poche.
Les aventures s'enchaînent très rapidement par la suite: une hilarante scène impliquant la reine d'Angleterre qui finit dans un climax à l'humour certes gras pas très commun pour un film de Spielberg, mais si bien réalisé (il y a d'ailleurs un moment à fort potentiel gifable) que l'enfant en nous rit de bon cœur. Fidèle au livre, la résolution du film peut choquer en cela qu'elle s'éloigne du poncif habituel -d'ailleurs initié par notre cher Steven- du film pour enfants: ici, l'enfant ne résout pas le problème seul contre les adultes, mais plutôt à l'aide des adultes capables d'accepter leur part d'enfance. Bien entendu, malgré le moyen employé, rien de bien sérieux ici. Juste une opposition très "Dahlienne" entre "bons" et "mauvais" adultes, le tout teinté d'un humour caractéristique de l'auteur gallois. Et le film de s'achever comme il aurait du commencer: dans une très belle scène nous collant la larme à l'œil.