On peut le dire entre nous, Steven Spielberg est toujours en lui un grand enfant. Et voir un cinéaste avec un don de rêverie aussi puissant s'associer avec les studios Disney (bien que nous, pauvres français, n'ayons pas eu droit au logo Disney, le monde est cruel) pour adapter une oeuvre de Roald Dahl, autant dire que ça fait plaisir, et à juste titre. Et autant dire que, personnellement, je suis pas déçu du tout de cette collaboration. Spielberg a réussi à me faire replonger en enfance de fort belle manière. Mais détaillons si vous le voulez bien.


Sophie est une petite orpheline londonienne d'une dizaine d'années, vivant comme toutes les orphelines de films dans un orphelinat qu'elle déteste. Elle croit dur comme fer à la légende du croquemitaine et en est insomniaque. Une nuit, elle aperçoit dans les rues un géant qui l'emmène "illico presti" dans son pays, le pays des géants. Mais notre géant, surnommé affectueusement le Bon Gros Géant (ou BGG pour faire plus rapide), est différent des quelques autres qui y vivent. Les autres géants, avec des noms aussi charmants que Buveur de sang, Garçon boucher ou Avaleur de chair fraîche, sont des dévoreurs d'"hommes de terre". Ils sont plus grand que le BGG, et pas gentils du tout. Un jour ils décident de passer à l'offensive en découvrant qu'un enfant est présent dans le pays des géants, et ainsi, Sophie et le BGG doivent les arrêter, avec la collaboration de la Reine d'Angleterre en personne.


Steven Spielberg est un maître dans l'art de faire rêver ses spectateurs que ce soit avec un extraterrestre ou des dinosaures, et il le prouve une nouvelle fois. Dès les premiers instants au pays des géants, on se sent comme notre chère Sophie, d'abord effrayée mais par la suite désireuse d'en savoir plus sur le gentil géant protagoniste. Et le voyage n'est clairement pas décevant. Si le pays des géants aurait mérité d'être plus vaste, ce qui est offert est efficace. Le meilleur exemple est l'arbre à rêve, scène qui m'a beaucoup émerveillé, je me suis senti presque comme Sophie, j'avais envie de choper ces petites boules lumineuses comme on choperait un papillon.


Pour les personnages, j'aime beaucoup Sophie et son caractère bien trempé. On la sent assez effrayée quand elle découvre pour la première fois le BGG, et c'est compréhensible, mais au fil du film on découvre son caractère rêveur qui déteint assez facilement sur le spectateur. Elle est plutôt courageuse malgré tout, elle n'hésite pas à engueuler des poivrots dans la rue qui auraient pu avoir des idées salaces (oooooh, comment ai-je pu dire ça) ou à accompagner le BGG dans son travail malgré le danger des géants dévoreurs d'hommes autour.


Le BGG en lui-même est un personnage vraiment attachant. Il est le souffre-douleur des autres géants, il est timide, il a quelques problèmes d'élocution, mais il est terriblement sympathique. Joué par l'excellent Mark Rylance (sa motion-capture est très réussie) et doublé pour nous les français par ce cher Dany Boon et autant je craignais un peu son doublage au début, autant il ne m'a pas dérangé durant le film. Il y a des moments où je ne l'ai pas reconnu, et quand je l'ai reconnu, ça m'a rappelé la voix assez apaisante d'Olaf dans La reine des neiges, j'ai bien aimé son doublage. Pour revenir à son personnage, au risque de me répéter, je le trouve très attachant, et attendrissant. Il est plutôt débrouillard malgré tout (y a qu'à voir la scène où il se cache des hommes dans les rues de Londres de différentes manières), et son "charabiage" le rend bien amusant.


Justement, parlons un peu de l'humour. Il est en bonne quantité sans être envahissant, un peu plus enfantin que d'habitude mais pas dérangeant pour autant, on a plus affaire à un sourire constant qu'à des fous rires purs et durs, et c'est pas plus mal ainsi. Chaque moment où le BGG parle en se trompant de mots est l'occasion de sourire un peu plus. Et faut quand même saluer le fait que Spielberg réussisse à me faire rire avec une séquence de prouts. Jusqu'ici, seuls Shrek et Le Roi Lion en étaient capable, il me semble.


Le visuel est impeccable. Outre la séquence avec l'arbre à rêve dont j'ai déjà parlé, en général j'aime beaucoup les effets montrant le gigantisme des détails par rapport à nous spectateurs, et autant dire que ça fonctionne très bien ici. Les détails de la maison du BGG sont très jolis, les travellings mis en places lorsque Sophie se déplace au travers des objets du BGG sont superbes et nous donnent bien l'impression de naviguer au travers des objets du quotidien comme si tout autour de nous s'était agrandi.


Et évidemment, comment ne pas parler de la BO de John Williams qui se marie bien avec la rêverie visuelle du film ? Comme toujours, le maître de la BO nous livre une belle composition, quelque part entre la magie d'un Harry Potter, le merveilleux d'un Jurassic Park ou la tendresse d'un E.T. l'extraterrestre, et il nous éblouit. Chaque morceau correspond à la situation qu'il accompagne. Tantôt léger, tantôt impressionnant, chaque morceau fait mouche.


Maintenant, là où le bât blesse (parce que non, Le BGG n'est pas parfait), c'est que si le côté "retour en enfance" est omniprésent, ça fait un peu défaut sur les tentatives d'émotions. Qu'on se le dise, je ne dis pas que toutes les scènes d'émotions ne fonctionnent pas, mais il y a des moments qu'on aurait bien voulu plus poussés, que le danger que représentent les méchants géants soit plus mis en avant.


Par exemple lorsque le BGG et Sophie aperçoivent les méchants géants en retournant au pays des géants. Je n'avais pas compris de suite qu'ils revenaient du monde des humains après avoir enlevé des enfants pour les dévorer, je trouve qu'ils auraient pu pousser le côté sombre de la situation, au final on ne ressent pas grand-chose, au même titre que les héros qui visiblement n'ont pas l'air aussi choqués qu'ils devraient l'être. Ou alors quand le BGG raccompagne Sophie à l'orphelinat en lui racontant l'histoire d'un garçon dont il s'est occupé et qui a malheureusement fini entre les griffes des méchants géants. La scène en elle-même est efficace en terme d'émotion, mais on ne passe pas assez de temps dessus et du coup ça se termine de manière rapide. Et enfin, lors du combat final avec l'armée contre les méchants géants, une fois encore tout est réglé un peu rapidement. Lorsque le chef des méchants géants se réveille, la bataille ne dure que quelques minutes et on règle tout rapidement, et de manière certes drôle mais un peu trop légère quand même.


Qu'importe, du moment que je me sois régalé durant ma séance. J'ai eu un sourire constant du début jusqu'à la fin devant les aventures attendrissantes de Sophie et du BGG. Un meilleur équilibre entre le joyeux et la noirceur n'aura pas été de refus, mais le résultat est amplement satisfaisant, Steven Spielberg met toujours son savoir-faire à profit pour notre plus grand plaisir. Et surtout, c'est un beau chant du cygne de la part de la scénariste Melissa Mathison qui nous aura fait rêver une ultime fois avant de nous quitter. So long, Melissa...

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le 24 juil. 2016

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Nick_Cortex

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