Mikhalkov signe une fresque dantesque et romantique qui fait revivre trois heures durant la Grande Russie avec un panache exceptionnel et un lyrisme assumé.

En 1905, une femme écrit à son fils, pensionnaire de la célèbre académie militaire de West Point, pour lui dévoiler enfin l'identité de son père. On la retrouve quelques années plus tôt, en Russie où, alors jeune fille aventurière (Julia Ormond), elle rejoint son père (Richard Harris). Ce dernier a besoin de ses services, pour venir a bout d'un projet insensé. Il s'est mis dans la tête de raser la Sibérie de ses arbres. Pour ce faire, il doit construire une machine onéreuse et il utilise sa fille pour séduire un haut dignitaire russe (Alexey Petrenko). Dans le train, elle rencontre Tolstoï (Oleg Menshikov), cadet dans l'armée russe, avec lequel elle sympathise d'emblée. Lui-même ne reste pas insensible au charme de Jane, cette touriste américaine débordante d'énergie. Ils tombent amoureux, mais Tolstoï la surprend avec son client et croit qu'elle joue un double jeu amoureux.
A travers ce récit hyper romantique, Nikita Mikhalkov à qui l'on doit Les Yeux Noirs, Urga ou encore Soleil Trompeur, se fait plaisir à reconstituer l'époque des derniers tsars de Russie. On a droit à tout ce qui fait le charme des films romantiques d'aventures des années 50 comme Le Docteur Jivago. Il se permet d'élégants plans d'hélicoptère sur une forêt enneigée traversée par un train que l'on croirait sorti d'un film d'Eisenstein. Il fait valser sa caméra dans un bal qui rappelle celui du Guépard de Visconti ou de l'Age de l'innocence de Martin Scorsese. Il utilise une foule de figurants pour des séquences d'armée et de rébellion. En voyant sa fresque, on a l'impression que Mikhalkov se comporte comme un souverain, comme un réalisateur hollywoodien de la grande époque.
Il tire le maximum de ses comédiens qui semblent prendre leurs rôles très à cœur. Julia Ormond, grâce à qui Légendes d'automne restait à la limite du supportable, nous offre une prestation habitée. Elle est tour à tour dure, belle, fragile et émouvante. Elle porte sur ses épaules un personnage magnifique et tourmenté par l'Histoire. Dans un rôle de savant fou, Richard Harris est impeccable. En une seconde, il passe d'un père attendrissant à un loufoque mégalomane que rien n'arrête. Le général Radlov bénéficie des talents d'Alexey Petrenko qui lui insuffle une innocence de jeune amoureux avec une déconcertante décontraction. Il faut le voir vider des verres de vodka. Enfin, le jeune Oleg Menshikov prête sa drôlerie et sa maladresse au cadet Tolstoï qui n'a aucune parenté avec l'illustre écrivain.
Pour soutenir ce magnifique portrait d'une Russie souveraine en fin de règne, Edward Nicolay Artemeyev signe une partition inspirée, lorgnant vers un lyrisme assumé. Il crée une symphonie entre nostalgie et désespoir, saupoudrée de petites pointes ironiques et humoristique.
Une œuvre majeure renouant avec la grande époque de la cinématographie soviétique.
RemyD
7
Écrit par

Créée

le 23 oct. 2010

Critique lue 1.5K fois

7 j'aime

2 commentaires

RemyD

Écrit par

Critique lue 1.5K fois

7
2

D'autres avis sur Le Barbier de Sibérie

Le Barbier de Sibérie
le-mad-dog
7

Le meilleur film de Julia Roberts sans Julia Roberts !

J'avais super envie de voir ce film, étant donné que j'avais raté ma rencontre avec lui. Il était passé sur France 2, il y a quinze ans, je l'avais pris en cours de route, pour au final ne le...

le 6 déc. 2019

3 j'aime

1

Le Barbier de Sibérie
Szalinowski
6

From Love with Russia

Avec Les Yeux Noirs, Urga et Soleil Trompeur, Nikita Mikhalkov a solidifié en quelques années son statut de réalisateur russe le plus en vue hors des frontières de son pays, bien que ces succès se...

le 5 avr. 2019

1 j'aime

Du même critique

À tombeau ouvert
RemyD
10

Calvaire nocturne d'un ambulancier new-yorkais

Scorsese retrouve son scénariste de Taxi Driver, Raging Bull et La Dernière Tentation du Christ, le calviniste Paul Schrader et offre à Nicolas Cage un rôle plus christique que jamais.En français,...

le 26 juil. 2022

35 j'aime

Sailor & Lula
RemyD
10

Seuls contre tous

David Lynch revisite le Magicien d'Oz, vu par les yeux d'un couple d'enfants devenus trop vite adultes par la brutalité du monde qui les entoure. Mai 1990, Bernardo Bertolucci, président du Jury du...

le 11 oct. 2010

32 j'aime

1

World Invasion : Battle Los Angeles
RemyD
1

Hollywood: boîte de prod pour l'armée américaine

Avec cet énième film d'invasion de vilains extraterrestres belliqueux, on constate amèrement qu'Hollywood fait toujours office de boîte de production pour l'armée américaine. Cette très longue...

le 15 mars 2011

28 j'aime

4