Propos de Samuel Fuller sur le film :
"C'est une histoire vraie. Je voulais montrer comment un escroc a réussi à mettre en échec Oncle Sam. J'aime bien ce film. Comme le précédent, il est pour moi un agréable cauchemar, bien que sa mise en scène soit encore hésitante, terre à terre. A la fin, le héros épouse une femme à demi indienne. Je n'ai pas voulu mettre l'accent sur ce thème, mais juste montrer les préjugés des gens qui acceptent de coucher avec une fille d'une race différente, mais refusent d'être vus avec elle. Pour l'héroine à cette époque, être à demi indienne était terrible, ce qu'il y avait de plus bas dans l'échelle sociale. Dans mon film, les paysans réagissent très brutalement et veulent lyncher le baron ; ils vivaient dans la violence et la haine. Presque tous avaient obtenu leurs terres de manière illégale et les défendaient de cette manière."


Commentaire de Jacques Lourcelles - Dictionnaire du cinéma:
"Deuxième film de Fuller, et toujours pour le producteur Lippert de la « Poverty Row » (le coin des studios pauvres à Hollywood). Mais cette fois, Fuller dispose de quinze jours de tournage, soit cinq de plus que pour J'ai tué Jesse James, et de la prestigieuse collaboration du photographe James Wong Howe qui a tenu à faire le film. C'est encore un western, mais l'originalité du sujet, basé sur un personnage réel, et la liberté de Fuller par rapport au genre sont encore cent fois plus flagrantes que dans Jesse. James Addison Reavis est l'une des créatures les plus étonnantes qui aient stimulé l'imagination de Fuller. (Il inventera notamment le rôle de Griff et les épisodes espagnols.) Voleur grandiose, son ambition démesurée, son orgueil, sa volonté de puissance, sa fantaisie, sa folie, parfois sa violence (dont Fuller note quelques éclats cinglants, par exemple dans la scène où il frappe les deux hommes venus lui extorquer une confession), céderont finalement le pas devant l'amour. A ce propos, une réplique est restée célèbre. Griff demande à Reavis pourquoi il a fini par avouer. Il répond : « Je suis tombé amoureux de ma femme. » Si Le baron de l'Arizona est le film de Fuller qui finit le mieux, son dénouement est loin d'être conventionnel ou artificiel. Aimant la femme qu'il a inventée, suscitée, élevée, façonnée, Reavis reste fidèle à lui-même et à sa propre création. Des atmosphères nocturnes et pluvieuses traversées par la lumière des torches ou par la fièvre d'un rêve fou, une grande mobilité de caméra, une ironie savoureuse (qui fait parfois penser à celle de Sirk dans A Scandal in Paris), l'expérience quasi monstrueuse mais si humaine d'un personnage qui va jusqu'aux limites de lui-même et de ses désirs : tels sont les éléments que Fuller a mis en œuvre pour nous convaincre que cette histoire extraordinaire méritait d'être contée. Bien que bénéficiant d'une photo assez travaillée, le style du film est encore relativement sec (ce n'est pas un défaut) comme celui de J'ai tué Jesse James et sans doute pour la même raison : la modicité du budget. Le film n'a pas la démesure baroque, les fulgurances qu'on connaîtra plus tard à Fuller. C'est le style d'un reporter qui raconte plus que celui d'un poète qui délire ; ce qui valait peut-être mieux pour rendre crédible cette ahurissante intrigue. Tout marginal qu'il est, Fuller obéit dans ce film à la grande règle que se sont imposée à un moment ou à un autre de leur carrière les artistes d'Hollywood : quand les moyens manquent ou sont maigres, on y remédie par la profusion des péripéties, la richesse des personnages, des atmosphères et des détails, par une invention sans limite et sans frein. Aux cinéastes ou apprentis cinéastes qui pleurent parfois sur leur pénurie, on ne peut que conseiller de regarder attentivement ce film : il n'y a pas de meilleure école!"

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le 10 mai 2015

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