La durée est la particularité de Das Boot, film fleuve de plus de cinq heures, relatant le quotidien d’un sous-marin allemand en mission dans l’Atlantique pour couler des destroyers britanniques, durant la seconde guerre mondiale.

Une position de plusieurs jours qui verra le bateau dériver entre La Rochelle et le détroit de Gibraltar. Le cinéaste choisit de condenser cette vie à l’intérieur de ce monstre marin fait d’acier, de créer une multitude de personnages avec leurs craintes, doutes, folies, s’intéresser à la fois aux silences de cette mission dans ses moments de vide sans négliger les scènes de batailles de la répétition inévitable qu’elles suggèrent. L’originalité c’est que le film se paie le luxe de nous ennuyer poliment justement aux instants qui auraient été ailleurs des morceaux de bravoure. Le film ne cherche jamais à surprendre dans ses enchaînements et ses rebondissements, entre morts impromptus ou héroïsme lourd, gageur des films de guerre ou catastrophe. Il recherche constamment le réel, le drame par l’absurde. Le plus beau moment est justement une longue séquence silencieuse où le sous-marin venant d’échapper de peu aux tirs alliés se retrouve coincé dans les profondeurs, où la pression est immensément dangereuse, sur un banc de sable providentiel.

Le film joue donc forcément sur un principe de répétition, entre attente et mouvement immédiat pour le combat. Lorsqu’un navire ou un avion se rapproche, le sous-marin rentre sa longue vue et plonge afin de résister aux explosions provoquées par les bombes qui lui sont lâchées. J’aime cette façon de montrer ce jeu du chat et de la souris, d’une part car le film se contentera de ce huis clos, se permettant des plans extérieurs seulement lorsque ses occupants investissent la passerelle ou à travers la jumelle. Mais surtout le film se veut essentiellement immersif et n’explique donc jamais les termes extrêmement techniques employés à l’intérieur du sous-marin, un peu à la manière du vaisseau spatial dans le Sunshine de Boyle, ou plus récemment dans cette tour de la finance dans le film Margin call de J.C. Chandor. On apprend donc à connaître cette carlingue, son langage, en même temps que l’on apprend à distinguer chaque personnage, qui devient peu à peu une entité à part entière, avec une histoire à lui, au même titre que le sous-marin, monstre d’apnée, face aux oiseaux bombardiers ou aux destroyers émergés. Petersen ne fait ni héros, ni romance, ni psychologie lourde. Son film n’est que survie, à un degré différent suivant le personnage, que l’un tienne un journal quotidien lu en voix off, que l’autre envoie du courrier à sa petite amie.

Das boot c’est le côté allemand, donc nazi, mais rien de ressort de ça, on ne distingue plus ni patrie, ni hommes-courage. On détruit un destroyer parce que c’est l’ennemi et que c’est le seul moyen de survivre. On ne va pas au secours de blessés plongés dans l’eau glacée parce que c’est l’ennemi et que pour survivre dans un sous-marin il y a un quota d’hommes à ne pas dépasser. C’est la peur des uns contre la folie des autres. La fin, détachée et brève, cruelle alors qu’elle prenait la forme d’un happy-end (pas du point de vue de la guerre, uniquement du point de vue de ce groupe de personnes que l’on a appris à connaître) est l’unique ressort un peu spectaculaire du film où le retour du sous-marin, en dérive jusqu’à La Rochelle, puisque complètement lesté de carburant, est anéanti par le bombardement sans sommations des alliés et où tous les occupants du bateau périssent finalement sur la terre ferme. Peu de montées émotionnelles, pas de suspense. Le film renvoie la guerre à sa surprenante cruauté plutôt qu’à sa sauvagerie sensationnelle.
JanosValuska
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Top 10 Films 1982

Créée

le 19 janv. 2015

Critique lue 466 fois

4 j'aime

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 466 fois

4

D'autres avis sur Le Bateau

Le Bateau
Sergent_Pepper
9

Le bruit et la profondeur

Série "Dans le top 10 de mes éclaireurs " : -IgoR- Das Boot commence sur la terre, par une beuverie qui conjure l’ascèse à venir, une ivresse qui pallie celle des profondeurs dans une atmosphère...

le 29 juin 2014

97 j'aime

22

Le Bateau
Gothic
9

Raiders of the Lost Bark

Que ce soit du côté de chez SanFelice, de chez Sergent Pepper, de chez Aqualudo, et tant d'autres. Les critiques de qualité, décalées, drôles, encyclopédiques ne manquent pas pour ce film, je vous...

le 4 oct. 2014

68 j'aime

20

Le Bateau
Mr_Jones
9

LE film de sous-marin

Captivant! De bout en bout, cette histoire de l'équipage d'un sous-marin allemand durant la seconde guerre mondiale nous tient en haleine pendant plus de 3 heures! Et on ne voit pas le temps...

le 28 mai 2011

48 j'aime

9

Du même critique

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

30 j'aime

4

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

27 j'aime

6