Le Blues de Ma Rainey est le troisième long-métrage du réalisateur George C. Wolfe. Tous ses films sont sortis en VOD en France sans connaître de passage dans les salles obscures. Il est surtout connu pour ses activités de dramaturge et de metteur en scène à Broadway.
Avec Le Blues de Ma Rainey, il adapte une pièce de théâtre signée August Wilson (deux fois lauréat du prix Pulitzer). Ce n’est pas la première fois que l’oeuvre de ce dernier, qui a écrit surtout sur la condition des Noirs en Amérique au XXe siècle, est adaptée au cinéma. Un film était né de sa pièce Fences, réalisé par Denzel Washington. Ce dernier est d’ailleurs producteur du Blues de Ma Rainey.
Le film plonge le spectateur dans les années 20, au coeur d’une séance d’enregistrement des musiciens de la légendaire « mère du blues », Ma Rainey. En attendant la volcanique chanteuse, en retard, chacun se prépare, joue de sa partition et débute alors des discussions amicales, des débats, des conflits, et une journée qui marquera tous les protagonistes. Dans le rôle de Ma Rainey, on retrouve Viola Davis, déjà à l’affiche de Fences. Chadwick Boseman lui donne la réplique. Les deux comédiens partagaient déjà en 2014 l’affiche de Get on Up, le biopic consacré à James Brown.
C’est le dernier rôle de l’acteur de Black Panther, décédé en août 2020. La performance des deux comédiens leur vaut d’ailleurs une nomination aux Oscars 2021. Chadwick Boseman a eu par ailleurs le Golden Globes du meilleur acteur à titre posthume pour ce rôle.
Après Fences, Denzel Washington continue avec le Blues de Ma Rainey à défendre l’héritage d’August Wilson. Un auteur peu connu de notre côté de l’Atlantique dont les thématiques de l’oeuvre résonne encore dans nos sociétés contemporaines. C’est tout ce qui fait la force du Blues de Ma Rainey, qui peut être vu de manière littérale comme une journée dans une séance d’enregistrement d’une légende de la chanson, mais qui cache en filigrane un huis clos intense où le racisme est latent et l’appropriation culturelle jamais loin.
L’exercice de l’adaptation théâtrale au cinéma n’est pas aisé, il peut rebuter. George C. Wolfe assume pleinement cette dimension et réussit à lui donner une énergie salutaire, par un montage rythmé qui sied parfaitement aux dialogues et tirades d’August Wilson.
Et il y a surtout ce duo d’acteurs, qui livre une performance de haut vol. Viola Davis est impressionnante de charisme, jouant de l’outrance de son personnage pour mieux montrer ses faiblesses qu’elle tente de dissimuler à tout prix. Quant à Chadwick Boseman, il explose, il séduit, il émeut, il est solaire, il est sombre : sa dernière performance est sans aucun doute la plus brillante. Transcendant.