Le Caire est une ville tentaculaire dont la population est estimée à 16 millions. Point névralgique de l’Égypte antique, la ville et sa région possèdent cette aura particulière, chargée d’histoire. Outre ce choix géographie, le réalisateur du film Le Caire confidentiel, Tarik Saleh, ancre temporellement son œuvre à un moment clef de l’Égypte contemporaine, la révolution de janvier 2011 qui entraîna la démission du président Moubarak.


Tarik Saleh, suédois d’origine égyptienne, s’est d’abord fait connaître dans son pays par ses graffitis, puis par deux documentaires aux sujets percutants, l’un sur la mort de Che Guevara et l’autre sur les camps de Guantanamo. La reconnaissance internationale vint en 2009 avec Metropia, un film d’animation. Le Caire confidentiel est son second long-métrage de fiction.


La photographie de la ville est parfaite pour un film noir. Baignée par une pollution opaque, grouillante d’individus, saturée par un brouhaha permanent, la ville possède un caractère intrinsèque suffocant. Les scènes nocturnes ont un aspect poisseux, éclairées par les lumières incandescentes des enseignes. Malheureusement, Le Caire confidentiel n’a pas été tourné au Caire, mais à… Casablanca. Seules quelques scènes d’extérieurs ont pu être prises en Égypte. La faute à la description peu reluisante de la société faite dans le film, ce qui a déplu aux autorités en place qui ont interdit le tournage trois jours avant le début de celui-ci.


Dans la société décrite par Tarik Saleh, l’argent est roi. Du petit arrangement entre voisins pour réparer une parabole à la corruption des plus hautes sphères du pouvoir, tout est sujet à l’argent. De cet appât du gain, naît un climat de suspicion, une psychose généralisée. Et lorsque la loi morale refait surface, représentée ici par le policier Noureddine, elle est tout d’abord incomprise puis traitée comme une menace.


Le film est inspiré d’un fait divers de la fin des années 2000 : l’assassinat de la chanteuse libanaise Suzanne Tamim par un ancien membre de la Sécurité d'État égyptienne, payé par l’amant de la chanteuse, un sénateur milliardaire proche du président Moubarak.


Seul bémol au film, le choix du titre français. The Nile Hilton Incident, référence au nom de l’hôtel où le cadavre de la chanteuse est retrouvée, est beaucoup plus subtile que cette grossière référence au film L.A. Confidential. Parler d’ « incident » pour décrire un meurtre aussi violent que celui-ci faisait déjà la lumière sur la nature de l’enquête, désinvolte et truquée.


Le Caire confidentiel est un bon polar noir sortant des sentiers battus de par sa localisation, l’Égypte, mais restant très conformiste vis à vis des codes du genre. Cette plongée anxiogène dans une société gangrénée par la corruption, sur un fond de « printemps arabe », résonne à la fois comme un cri d’amour et un sentiment de dégoût envers la société égyptienne.

Vincent-Ruozzi
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le 17 sept. 2017

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