Kit de survie
Kit de survie 1946, Londres: Juliette vient de terminer son livre inspiré de Shakespeare. Elle entretient une correspondance avec Dawsey, membre du club littéraire de Guernsey, qui chaque semaine et...
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le 13 juin 2018
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Juliet Ashton désespère de retrouver une idée de livres après le succès retentissant de son Izzy Bickerstaff. C’est alors qu’elle reçoit la lettre d’un inconnu, un certain Dawsey Adams, qui se retrouve à lui parler de l’étrange Société Littéraire de Tartes aux Epluchures de Patates de Guernesey (ou comment j’aurais traduit the Guernesey Litterary Potatoes Peel Pie Society). Sans trop réfléchir, elle se rend à Guernesey pour enquêter et va découvrir un monde fabuleux où se côtoient d’étranges et chaleureux individus, tous attendant le retour de la mystérieuse fondatrice Elizabeth McKenna…
Je déteste être l’idiote qui, en regardant un film tiré d’un livre, s’exclame généralement : « dans le livre, ce n’est pas comme ça parce que gna-gna-gna… ». Comparer un livre à son adaptation doit se faire dans un but de pouvoir déterminer les forces et les faiblesses du film et si c’est une bonne adaptation et/ou un bon film. Alors, tranchons tout de suite : si c’est un sympathique film, c’est très certainement une mauvaise adaptation.
Commençons par le pire : le personnage principal, Juliet. Dans le livre, c’est une trentenaire, célibataire, têtue, intelligente, nerd avant l’heure, drôle et avec un fort caractère. Comprenez, ici, qu’elle ne se laisse pas marcher sur les pieds et a des opinions très tranchées sur les choses (mais bon, objectivement, ses opinions restent pleines de bon sens, surtout sur le mariage). Dans le film, c’est principalement une écervelée. Pardon, je vais essayer d’être plus gentille : là où sa version littéraire était pleine de vie, ici elle est juste un brin crispante, là où la version littéraire était bibliophile, elle est juste… journaliste ? et surtout, là où la version littéraire était indépendante de corps et d’esprit, en plus d’avoir un fort caractère, ici… c’est juste une fille très spontanée qui prend des décisions à la va-vite et gère les conséquences après.
Pour expliquer ce dernier point, je vais m’empresser de préciser qu’ils n’ont pas aussi respecté le principe des lettres (c’est un roman épistolaire) : on en a cinq au total dans tout le film. Du coup, là où dans le livre, Juliet dialoguait par la lettre pendant la moitié, avant de se rendre à Guernesey, dans le film, elle abandonne tout et, DEVINEZ QUOI ? débarque à Guernesey auprès de gens qu’elle ne connaît pas et qui ont A PEINE entendu parler d’elle. Ah, il se produit exactement ce qu’il peut se produire dans ce genre de situation : un énorme malaise.
C’est d’autant plus problématique qu’elle a l’air presque de les forcer à révéler leurs secrets, là où dans le livre, ça paraissait plus naturel, puisque, au fur et à mesure des confidences, et dans le cadre de son article pour le Times, elle semblait apprendre des choses importantes naturellement. Du coup, toutes les relations, profondes et sincères dans le livre, semblent un brin forcées et pas réalistes pour les quelques semaines qu’elle passe à Guernesey (quelques mois, peut-être).
Toujours en continuant sur les personnages, ils ont fusionné certains personnages entre eux, parfois allant jusqu’à mélanger des caractéristiques. Alors, ça peut donner du bon, hein, mais ça crée deux problèmes majeurs : 1) supprimer pas mal de personnages secondaires est une bonne idée mais, du coup, on a l’impression que le cercle est composé de quatre personnes et est peu populaire (là où il semblait avoir changé la vie de beaucoup de gens, même de manière signifiante, dans le livre) 2) que Juliet accepte la proposition de mariage de Reynolds pose un autre problème de taille. En plus de la rendre encore plus spontanée et peu sérieuse (là où dans le livre, elle apparaissait comme ayant les pieds bien sur terre, bien qu’avec la tête dans les nuages), ça crée juste un conflit amoureux bien classique !
Parce que c’est un autre défaut de ce film : bien que tout l’aspect sérieux soit gardé dans les grandes lignes, on oublie les événements importants pour tourner le tout autour d’une classique histoire d’amour avec tous les clichés possibles et inimaginables, là où, ENCORE UNE FOIS, le livre avait la subtilité de NE PAS NOUS OFFRIR des clichés aussi gros ! Pour la simple raison que ça ne parlait pas uniquement de Juliet qui se trouvait un mec mais aussi de livres, de lecture, de l’occupation allemande dans les îles anglo-normandes, etc.
Le problème vient que le livre était en cours d’adaptation depuis de nombreuses années et que c’est finalement Mike Newell qui a été chargé de le tourner. Pour ceux qui le connaissent, c’est le bonhomme qui a réalisé le quatrième Harry Potter. S’il réussissait à retranscrire les grandes lignes (en gros, comment Harry participe, en quatrième année, à la Coupe des Trois Sorciers et au retour de Voldemort), beaucoup de fans lui reprochent d’avoir négligé beaucoup de détails sympathiques du livre. Non pas que ces sous-intrigues aient pu être fondamentales au récit mais, généralement, leur omission posait quelque peu problème dans la cohérence des autres films. Avec le livre de Shaffer et Barrow, l’histoire est un ensemble de petites anecdotes racontées sous forme épistolaire. Mises bout à bout, elles finissent par se rejoindre et devenir un ensemble cohérent et sympathique. Là, comme Newell n’aime pas s’attarder dans les détails futiles, l’ensemble finit par être assez vide et il faut creuser pour trouver les maigres références à tel ou tel élément du livre. Rendez-vous compte, il n’a même pas gardé l’anecdote sur les lettres d’Oscar Wilde ! Du coup, vraiment, le film n’est rien d’autre qu’une douce histoire d’amour.
Alors, certes, ça fait son travail et l’histoire est bien racontée, nous apportant des moments fort émouvants mais… ça aurait pu être plus que ça. Ça aurait dû être plus que ça.
C’est dommage parce que ça reste un film agréable à regarder… mais pas une bonne adaptation.
PS : j’ai conscience qu’une adaptation ne peut pas être parfaite et qu’il faut modifier des choses, le hic est que chaque fois qu’ils ont modifié un truc, je me suis dit « moi, je n’aurais pas fait comme ça », parce que ça rendait l’histoire moins prenante.
Re-PS : pourquoi avoir rendu la tarte aux épluchures de patates mauvaise ? Normalement, elle n’était pas trop mal et un de leurs plats préférés, vu les circonstances de la guerre.
Créée
le 27 mai 2020
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