François Civil, Omar Sy, Mathieu Kassovitz, Damien Bonnard, Reda Kateb… et des sous-marins !
Mais moi, rien qu’avec un casting comme celui-là, j’ai déjà la torpille qui frétille !


Parce que oui – ne me demandez pas pourquoi – les sous-marins, depuis que je suis gamin, ça me fascine (« A la poursuite d’Octobre rouge » est DE LOIN le film que j’ai le plus vu dans ma vie… et je me doute que cette information n’en rassure pas beaucoup d’entre vous.)
Mais bon, derrière les plus grandes excitations, il y a toujours la peur des grandes déceptions. Et à dire vrai, ce « chant du loup » a un peu joué aux montagnes russes avec mes émotions.


D’un côté, je ne peux pas renier le fait qu’à certains moments j’étais à fond dedans. Vraiment, il y a dans ce film un vrai talent de mise en scène, avec des séquences qui savent s’inspirer des meilleurs. Le moment de détection sonar dans la scène d’introduction est d’ailleurs juste à ce titre un modèle d’orfèvrerie. Antonin Baudry maîtrise les codes et sait les restituer à la lettre.


Il a notamment parfaitement compris que, dans un film de sous-marin (pour peu que ce genre existe), on peut habilement retourner certaines faiblesses en force. Un sous-marin c’est un espace clos. C’est exigu. Et en plus de ça, il faut que ça navigue à l’aveuglette. Pas terrible pour des scènes épiques pourrait-on se dire… Eh bien pas du tout si on sait jouer de ces angles morts imposés par ce type de navigation. Parce que naviguer à l’aveugle, ça suppose aussi qu’il faut déduire tout ce qu’il se passe à l’extérieur rien qu’avec des cartes, des instruments de mesure, et surtout des sons.
Autant dire que dans une situation tendue avec des bâtiments chargés comme des mulets, ça peut vite devenir anxiogène et ultra-immersif.


Et j’insiste vraiment sur ce point : Antonin Baudry nous fait vraiment une démonstration dès son introduction. Focalisation sur le son et les mystères qu’il cache, mais aussi focalisation sur ce vocabulaire de sous-marinier qui se révèle tout aussi obscur que fascinant.
Très rapidement, cette introduction parvient tout aussi bien à opérer un travail d’iconisation des actants qu’une habile élaboration progressive d’une tension.
Moi, cette séquence de sonar là, je pense qu’elle fera partie de mes scènes marquantes de 2019 tant elle a su fonctionner sur moi…
Et c’est d’ailleurs sûrement pour cela que j’en veux à Antonin Baudry de l’avoir sabordé avec des erreurs que je juge assez impardonnables.


Je parlais de montagnes russes tout à l’heure : eh bien l’introduction est à elle seule une première vague. Alors que tout allait bien – que la tension était à son comble en respectant scrupuleusement ses codes – il a fallu que le film se perde soudainement dans une surenchère superflue.


(Conclure la séquence d’engagement du Titane par un tir de lance-roquette du commandant à partir du massif, mais ce n’est juste… PAS possible ! OK, ce plan où le sous-marin remonte à la surface a la classe, mais tout ce qui suit derrière c’est du total « jump the shark » pour moi !)


Et je trouve ça tellement triste de se planter là-dessus ! A vouloir trop en faire, le film perd régulièrement sa crédibilité et il ne parvient pas à me maintenir en immersion. (Ce qui est quand même ballot pour un film sur les sous-m… OK, je m’arrête là.)


Et pour le coup, ça me chagrine doublement parce que ce « Chant du loup » sait prendre de véritables risques (je pense notamment à la construction de son intrigue, assez proche de celle d’ « USS Alabama », mais beaucoup mieux menée en termes de crédibilité et de tension) et il a parfois de vraies bonnes idées...


(le personnage de Chanteraide qui découvre le code de son supérieur à la seule mélodie des touches de son clavier, je trouve ça vraiment malin quand on réfléchit au type de personnage qu’on cherche à mettre en place.)


Et puis surtout, je trouve que ce film sait parfois se faire suffisamment sobre pour toucher juste.
La situation internationale qui est inventée pour les besoins du film a su être amenée sans fanfaronnade inutile, à hauteur d’humain, ce qui ne la rend que plus crédible.
De même le personnage de Chanteraide est un très bon équilibrage de personnage badass / rêveur / artiste / humain / lover / bonne-patte, ce qui n’est jamais évident dans les films d’action qui se déroulent dans un cadre militaire.


Et puis enfin – justement – pour un film d’action se passant dans un milieu militaire, le film arrive plutôt bien à éviter les pièges du patriotisme / nationalisme / gentils contre méchants / guerre juste contre guerre injuste… Toutes ces qualités rendraient presque anecdotiques toutes les maladresses qui viennent faire tanguer le navire. Parce que s’il y a ce vrai problème de surenchère déjà évoqué...


(un peu récurrent malheureusement : notamment à la fin avec – encore une fois – le commandant qui part accomplir une tâche qu’il aurait pu déléguer ; le fait que tout le monde meure dans le Titane sauf les deux têtes de casting, ou bien encore le bon vieux coup du gars qu’on remonte à la surface mais sans que la dépressurisation le tue.)


Il y a malheureusement aussi à côté de ça d’autres approximations qui font parfois tiquer.
Je pense notamment au casting finalement très inégal : là où certains s'en sortent avec les honneurs (Civil, mais surtout Kassovitz, impeccable) et d'autres s'en tirent convenablement (Sy), je regrette personnellement que Reda Kateb ait totalement sombré dans un rôle pour lequel il n'avait clairement pas les épaules. Trop souvent, là où il fallait de la hauteur et de la sobriété, il s'est délité en loubard sans épaisseur qui froisse son visage et crie bêtement.


Son « Engagez le Titane ! » est notamment l'un des moments les plus tristes (artistiquement parlant) de ce film.


Et puis sinon, toujours au rang des regrets, je noterais également quelques manques de finesse du scénario. D'abord ce titre – le « Chant du loup » – qui aurait mérité d’être davantage développé et filé, notamment sur la fin. Et puis ce manque de raccord entre le développement de l'intrigue et le développement du héros. Je trouve dommage qu'on n'ait pas su – un peu à l’image d’un « First Man » – faire en sorte que la prouesse collective et technique à laquelle le héros se doit de participer n’ait pas été doublée d’une prouesse personnelle et interne au héros lui-même.


(Il y avait clairement un truc à faire avec cette idée de personnage presque mélomane dont l’ouïe fine permet de cerner certaines subtilités. Une occasion de manquée. Dommage.)


Enfin, histoire d'en finir avec les reproches, on pourra regretter que sur un film qui disposait d’autant de moyens, on n'ait pas su mieux orienter les dépenses...


(...d’un côté on fait en introduction toute une scène avec des soldats en fuite qui, pour moi, était clairement dispensable, mais de l’autre on se retrouve avec des sous-marins qui coulent sans voie d’eau. Bof quoi.)


Alors du coup – forcément – au moment de faire le bilan, je me dis qu’il y a vraiment du très bon comme du moins bon dans ce film. Mais franchement, je me dois bien de vous avouer que, l’un dans l’autre, ce « Chant du loup » m’a vraiment laissé une impression plus que positive.
Certes, il est bancal, mais franchement il s’est quand même risqué dans un sillon pas souvent exploité par le cinéma mondial – et encore moins français – et je trouve qu’il a su en tirer une proposition assez singulière et qui, globalement, tient plutôt la route.


Du coup je me dis que je vous vends peut-être un peu trop de rêve avec cette note de 7/10 mais bon, d’un autre côté en mettre moins ça aurait aussi été minimiser mon enthousiasme global.
J’espère en tout cas que les plus curieux d’entre vous sauront comprendre que ce film, au-delà de ses imperfections, il mérite son petit détour…

lhomme-grenouille
7

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le 22 févr. 2019

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