L'aventure donne des ailes

Sheeta est une jeune fille d'une douzaine d'années possédant un mystérieux cristal aux pouvoirs extraordinaires. Sequestrée dans un dirigeable pour la possession de cette pierre, Sheeta parvient à s'enfuir en sautant de la machine. Contre toute attente, elle se met à flotter lentement dans le ciel jusqu'à ce qu'elle attérisse dans les bras de Pazu, un jeune garçon de son âge. C'est ainsi que débute Le Chateau dans le Ciel. Premier film du Studio Ghibli, premier film de Miyazaki au sein de celui-ci, Le Chateau dans le Ciel est un merveilleux film d'aventure dans sa définition première. Envoutant, magique, poétique et profond, il n'a pas vieilli depuis sa création et remporte toujours autant l'adhésion des enfants comme celle des adultes.

Ce qui frappe avant tout dans la découverte du Chateau dans le Ciel, c'est l'alternance très intelligente entre scènes haletantes, à l'action millimétrée et moments de contemplation dont la poésie et la beauté ne sont pas à démontrer. La mise en scène est en effet particulière et bien construite, ne laissant aucun répit au spectateur qui ne s'ennuie pas une seconde. Aucune scène ne parait superflue, le récit se déroule tranquillement et avec lui, divers messages chers à Miyazaki, discrets et en filigrane, que sont le lien à la nature et le mépris du pouvoir et de la violence. L'histoire de Laputa en elle-même est d'ailleurs une réflexion sur les bienfaits et dangers de la technologie ainsi que l'importance de se rappeller que l'homme est un produit de la nature. Le scénario, fin et intelligent tout en restant divertissant, est réellement très prenant, respectant tous les codes du cinéma d'aventures, embarquant ses jeunes héros dans des pousuites, des affrontements et les éléments. Contrairement à de nombreux films d'aventure, le spectateur ne sait pas quel est le but de la quête ni les enjeux de celle-ci dès le début. Au contraire, nous sommes directement propulsés dans des évènements que nous ne comprenons pas immédiatement, tout comme Sheeta, la jeune héroine. En fait, c'est à travers ses yeux que nous découvrons progressivement les tenants de l'intrigue, et ce n'est qu'au moment du réveil du robot dans la citadelle militaire que les véritables enjeux de l'aventure vécue par les enfants sont dévoilés. À ses côtés, nous comprenons les pouvoirs de sa pierre et ses origines, avec elle nous apprennons l'existence de Laputa, et avec elle nous comprenons son rôle. Sheeta porte donc le récit en ce qu'elle est le personnage auquel le spectateur s'identifie et à travers lequel l'intrigue se déroule, mais celui qui porte l'action en elle-même est bien Pazu. Ce dernier, en effet, se montre bien plus entreprenant, courageux, et actif que sa compagne, plus timide et effaçée. En réalité, si Pazu demeure un héros impeccable, dans le plus pur style des héros masculins de Miyazaki, Sheeta paraît en comparaison plus fade que lui. Ce n'est que vers la fin qu'elle se révèle, laissant enfin entrevoir la force des femmes telle que le réalisateur la met en scène. Ce n'est donc pas le personnage le plus marquant. Elle n'est par contre pas moins attachante dans sa douceur et son courage dissimulé, heureusement, et le couple Sheeta-Pazu est sans doute l'un des plus marquants et des plus réussis de la filmographie de Miyazaki, leur complicité unique explosant l'écran.

Le Chateau dans le Ciel repose naturellement sur une magnifique qualité graphique. Si l'animation est exempte de défauts, il faut attendre un peu pour savourer des décors merveilleux, la mine n'étant pas un milieu reconnu pour sa beauté. Cela n'enlève rien à la qualité et au réalisme de celle-ci, simplement ces décors restent moins enchanteurs, surtout comparés à la découverte de Laputa, à l'architecture ronde et inspirée, où les ruines voisinant avec les végétaux donnent à l'île tout entière un cachet et une beauté incomparables. Cette cité aérienne est un trésor d'imagination, un cadre enchanteur parfait pour l'exploration. Une vraie réussite !

Disons maintenant un mot sur la bande-son. La musique du Chateau dans le Ciel est tout simplement remarquable. À elle-seule, la musique est un bijou. Des moments de bravoure soutenus par des mélodies appellant à l'aventure, au thème principal, planant et superbe (l'un des plus marquants de Hisaishi ?) il n'y a là aucune fausse note. Et que dire du superbe moment où ce drnier thème est repris par un choeur avant de s'interrompre brusquement ? La musique du film est l'un de mes coups de coeur.

Peut-être moins abouti que certains autres films de Miyazaki, Le Chateau dans le Ciel n'en est pourtant pas moins enchanteur. Sa mise en scène remarquable, sa beauté, ses héros et sa musique en font un merveilleux divertissement qui, en plus de plaire à toute la famille, est intelligent. Le Chateau dans le Ciel peut traverser les décennies sans ennuis !