Hantés par les passions les plus folles, ces hommes sont tombés dans la voie du sang.

Après s'être attaqué à Dostoïevski, Kurosawa fervent admirateur de Shakspeare a l'ambition d'adapter à l'écran une de ses oeuvres majeures MacBeth. S'il avait su nous montrer ce qu'il y avait de meilleur chez l'homme avec L'idiot, il décide cette fois ci de nous exposer le pire dans cette tragédie empreinte de violence.

Comme vous devez vous en douter, et ce même si vous ne l'avez pas lu, l'action de MacBeth ne se situait pas en plein Japon Médieval. C'est tout le travail de Kurosawa qui comme il l'avait fait en passant d'une monarchie Russe à l'après guerre nous offre une transposition absolument monumentale. C'est une des forces des adaptations offertes par le réalisateur Japonais, ne recherchant pas une fidélité littérale à l'auteur, mais plutôt à en tirer l'essence. Et à nuancer une pièce de théâtre qui a des exigences toutes autres une fois transformé en œuvre cinématographique.

Le Château de L'araignée, c'est avant tout une démonstration visuelle monumentale que Kurosawa s'offre ici, tout le talent du peintre de génie explose et on contemple. Dans la minutie de son cadrage, dans sa maitrise profondément contrastée du noir et blanc, il instaure une atmosphère fantasmagorique des plus inquiétantes, magnifiée par un brouillard omniprésent.
Les décors quant à eux sont de toute beauté, de la noirceur de ce mur ensanglanté à cette forêt labyrinthique ornirique, qui conduit à l’imposante stature de ce Château dantesque, le rendu final est tout simplement homérique.

Mais c'est également dans l'interprétation qu'il faut se tourner, Mifune offre une prestation saisissante d'un MacBeth sombrant dans la folie et la paranoïa d'une ambitieux démesurée. Manipulé par sa redoutable épouse au coeur de glace Lady Macbeth joué par l'illustre Isuzu Yamada.
Grâce à la disparition de nombreuses tirades théatrales pas forcément nécessaire ici, Yamada peut laisser parler son talent en nous délivrant une performance presque contemplative.


Paradoxalement à sa prise de liberté Kuro livre ici la plus poignante et la plus fidèle adaptation de cette oeuvre culte de Shakspeare. En y distillant avec soin, culture et folklore Japonais, on ne perd rien de l'essence qui faisait la force de MacBeth tout en ayant l'impression de redécouvrir cette tragédie d'un autre oeil. En découle, cette morale saisissante sur les vices les plus abjectes de l'humain qui le pousse à trahir, convoiter, éliminer chaque obstacles qui se dressera sur sa route, pour recommencer inlassablement les mêmes erreurs. Le Château de l'Araignée est un récit inoubliable à dévorer très rapidement si vous n'avez pas encore succombé.

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le 24 août 2013

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