En 86,Claude Berri a l'idée saugrenue de porter au cinéma les deux parties de "L'eau des collines",roman de Marcel Pagnol.Les oeuvres de l'écrivain étaient depuis un bail tombées en désuétude et la dernière adaptation,un remake japonais de "Marius",remontait à 67,tout comme la plus récente côté français qui était "Le curé de Cucugnan",un téléfilm réalisé par Pagnol lui-même.Mais voilà que "Jean de Florette et "Manon des Sources" font un triomphe,ce qui donne envie à des petits malins de producteurs.Alain Poiré,le boss de la Gaumont,veut lui aussi son Pagnol en deux épisodes et choisit "La gloire de mon père" et "Le château de ma mère",les premiers tomes de "Souvenirs d'enfance".Hélas,il y a un léger hic car ces écrits sont,comme l'indique le titre,l'évocation de souvenirs de l'auteur,dépourvus donc de la dimension romanesque attachée à ses fictions telles que "L'eau des collines".Ca ne fait rien,on a décidé d'y aller,pas question de louper le revival Pagnol.C'est Yves Robert qui tourne le diptyque en 90,les deux films sortant coup sur coup pour pas que ça refroidisse.Ainsi qu'on pouvait le craindre,"La gloire de mon père" se résume à une plate chronique humoristico-nostalgique axée sur l'amour et l'admiration que l'écrivain vouait à son paternel.C'est très sympathique,ça fonctionne parfaitement sur le papier grâce au style et à la faconde de Pagnol et à la dimension littéraire qui permet d'exprimer plein de choses intraduisibles à l'écran,mais ça ne marche guère cinématographiquement malgré l'utilisation d'une voix off débitant des extraits du livre et ne faisant que renforcer l'impression d'artificialité.En est résulté un film plat et vaguement ennuyeux qui a cependant fait beaucoup d'entrées.Pour ce second opus,dont le scénario est rédigé par Yves Robert et Jérôme Tonnerre,on retrouve la même troupe d'acteurs comprenant Philippe Caubère et Nathalie Roussel qui jouent les parents Pagnol,Julien Ciamaca et Victorien Delamare qui incarnent leurs fils,Didier Pain et Thérèse Liotard sont l'oncle et la tante,Joris Molinas interprète Lili des Bellons,le pote du jeune Marcel,et on revoit également Paul Crauchet,Pierre Maguelon et Michel Modo en paysans provençaux.Si le premier film était sans grand intérêt,celui-ci est carrément consternant de vacuité.On nous raconte sur fond de reconstitution historique bidon et figée les différentes vacances de la famille quittant régulièrement Marseille pour sa villégiature du village de La Treille.Ca lambine horriblement et on doit se contenter d'une sorte de film touristique institutionnel sur la Provence,dont les paysages sont effectivement,et heureusement,magnifiques.Pour le reste,on est plutôt dans un spectacle folklorique de type amateur où des personnages outrés sont maladroitement surjoués par des acteurs parlant faux et forçant méchamment sur l'accent méridional.Il ne se passe quasiment rien,on se balade entre la cité phocéenne et l'arrière-pays,on zone dans la garrigue,on fête Noël en mangeant les fameux treize desserts,on joue à la pétanque,Marcel connait ses premiers émois amoureux avec une pimbêche et travaille un concours important,tous les protagonistes sont ridicules et coincés dans des stéréotypes antédiluviens,puis on arrive au coeur du film,le marathon du week-end.En effet les Pagnol décident de venir aux Bellons chaque fin de semaine mais comme ils n'ont pas de véhicule,on est au début du 20e Siècle,ils doivent marcher des plombes chargés de leurs bagages pour atteindre leur bastide.Mais ce qui est bien avec cette famille,c'est qu'ils trouvent toujours un truc,aussi improbable soit-il,pour arranger les choses.En l'occurrence ils rencontrent par le plus grand des hasards un ancien élève de Joseph,qui est instituteur,devenu garde du Canal de Marseille.Et ce cours d'eau traverse plusieurs grandes propriétés couronnées de châteaux.En passant par là,on raccourcit considérablement les distances mais il faut avoir la clé permettant de passer d'une propriété à l'autre.Bien que réticent,Joseph accepte la clé que lui confie Bouzigue,et on assiste alors à une interminable répétition de scènes au suspense insoutenable.Chaque samedi,la petite famille emprunte ce chemin en se dissimulant pour échapper aux gardiens des lieux.Se feront-ils gauler?Joseph sera-t-il viré de l'Education Nationale à cause de ça?Ces mystères seront résolus au fil de séquences ridicules d'un ennui profond.Et le final survient,qui vient presque rattraper tout le reste.D'un seul coup,sans crier gare,ça vire au tragique et l'émotion vous frappe violemment au sternum au fil d'une hécatombe suivie d'un twist poignant,ces ultimes scènes venant éclairer d'un jour nouveau certains éléments peu remarquables à première vue.Les principaux comédiens sont à la ramasse,à l'image de Philippe Caubère,grand théâtreux qui de son propre aveu a toujours été mauvais au cinéma,il en a d'ailleurs peu fait,ou de la transparente Nathalie Roussel.Pas mieux pour les gosses,Julien Ciamaca,Victorien Delamare et Joris Molinas,qu'on ne reverra pas.Didier Pain,l'oncle de Vanessa Paradis,est ici le tonton de Pagnol et ne casse pas des briques.Si Georges Wilson,Jean Carmet et un juvénile Philippe Uchan assurent bien,l'immense Jean Rochefort se déshonore en cabotinant atrocement dans la peau d'un faux aristo faux poète et vrai alcoolo,alors que Patrick Préjean se vautre gravement en jardinier faussement gueulard.Il y a de très bons seconds rôles mais on ne les voit quasiment pas,qu'il s'agisse de Thérèse Liotard,Pierre Maguelon,Michel Modo,Paul Crauchet,Ticky Holgado ou Jean-Marie Juan,tandis que c'est Jean-Pierre Darras qui ,comme dans "La gloire de mon père",se coltine la pénible voix off.

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le 7 déc. 2020

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