Deuxième film de Fellini et déjà un style affirmé, vif, incisif et drôle, plein de charme et de poésie.

Ici le conte est cruel et beau à la fois mais le ton est résolumment à la comédie. Fellini s'amuse à moquer la fragile, délicate et ridicule tendance des frêles coeurs adolescents à se laisser embobiner par toute la manipulatrice armada que le courrier du coeur met en branle afin de créer un monde fantasmagorique où le prince charmant (ici dans la parure du sheik blanc) joue le rôle principal de charmeur de jeune fille pûre.

A peine débarquée à Rome, une jeune mariée en lune de miel s'échappe de son hôtel pour aller voir son idole. Son mari passera tout ce temps à la chercher tout en cachant sa disparition à son oncle, personnage important qui lui a organisé un rendez-vous avec le pape.
Fellini désunie le temps du film les deux mariés, fait jouxter deux tragédies, aimables et rigolotes, le temps des désillusions, pour l'un comme pour l'autre des deux jeunes gens.

On a alors droit à trois numéros de comédiens succulents. Brunella Bovo joue une jeune fille prude et réservée dont les yeux brillent à l'évocation des mondes fabuleux qu'elle dévore dans les romans photos, romans à l'eau de rose et qui choit dépenaillée sur les bords de la mer après avoir découvert l'horrible réalité. C'est un Alberto Sordi formidable en grotesque séducteur, pacotille enrubannée, tout droit descendant du ciel... en balançoire et jusqu'à ce qu'un coup de bôme sur la tête, tel un coup de baguette magique, mette fin au conte de fée.
Tandis que son mari se décompose peu à peu à découvrir la forfaiture de sa douce. Leopoldo Trieste prête sa bouille ahurie à pareille déconvenue avec une maitrise et une adéquation de jeu extraordinaires.

Le tout donne un film très drôle, au rythme fellinien imposé dès les première secondes par un montage percutant et par une gesticulation orchestrée de la foule, de son enthousiasme. Les battements de coeur pour Rome et sa faune sont d'ores et déjà synchronisés sur une histoire pleine d'humour corrosif mais également de beaucoup de tendresse pour ses personnages. Très habilement filmé, cette aventure propose déjà quelques grands moments de cinéma (le shoot sur la plage, la danse du sheik, les pas du jeune marié paumé dans les rues de Rome, l'apparition de Masina en déjà une Cabiria pleine d'étincelles devant les yeux (Les nuits de Cabiria semblent être une séquelle de ce film), tous ces petits moments sonnent tellement juste et beau.
Alligator
9
Écrit par

Créée

le 21 févr. 2013

Critique lue 557 fois

3 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 557 fois

3

D'autres avis sur Le Cheik blanc

Le Cheik blanc
Plume231
7

Première réalisation solo de Fellini et une réputation désastreuse totalement imméritée !!!

Film souvent honni de l'oeuvre fellinienne, la première réalisation en solo du futur cinéaste de "La Strada" mérite pourtant une bien meilleure réputation. Déjà c'est une comédie agréable qui se...

le 22 sept. 2014

10 j'aime

Le Cheik blanc
Procol-Harum
7

Wanda et le miroir aux alouettes

"Lo sceicco bianco" marque les vrais débuts de Fellini derrière la caméra ("Luci del varietà", tourné deux ans auparavant, étant une coréalisation), et même si le style est loin d'être totalement...

le 12 janv. 2023

3 j'aime

Le Cheik blanc
Maqroll
8

Critique de Le Cheik blanc par Maqroll

Premier film de Fellini en solitaire (le tout premier, Les Feux du music-hall était co-réalisé par Lattuada), Le Cheikh blanc est encore un film mineur mais néanmoins passionnant où l’on voit...

le 11 juil. 2013

3 j'aime

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

53 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime