Le Conte de la princesse Kaguya
7.9
Le Conte de la princesse Kaguya

Long-métrage d'animation de Isao Takahata (2013)

25 ans (!) après "Le tombeau des lucioles", chef d'oeuvre incontesté du second couteau des studios Ghibli et près de 15 ans après son dernier film en date, Isao Takahata s'essaye cette fois-ci au conte traditionnel.

On aurait pu croire que le temps avait rempli son office et désensibiliser l'art du conteur fantastique qu'est M. Takahata mais il n'en est rien et il nous le prouve en signant d'un trait de maître une oeuvre où l'extraordinaire côtoie le merveilleux. Les dessins, tous somptueux, viennent sublimer une histoire d'apparence simplette mais profondément humaniste avec comme figure de proue la magnifique Kaguya, princesse lunaire, née d'une pousse de bambou et envoyée sur terre pour nous rappeler qu'il est bon de vivre sur la bonne vieille planète bleue.

D'aucuns trouveront l'histoire laborieuse, lente voire lassante ; ceux-là mêmes qui sont avides de rebondissements et d'action regretteront de ne pas être allé voir le film d'à côté où les baffles font vibrer les parois d'une salle de cinéma empli d'un silence pieux. Même s'il est vrai que le film accuse quelques faiblesses de rythme, notamment lors de l'enfance de pousse de bambou, comment ne pas s'émerveiller devant les insectes, les bêtes sauvages et les fleurs en même temps qu'elle, comment également ne pas s'émouvoir de l'amour que porte un père à sa fille ou rire des couardises de ses prétendants ? Celui qui ne ressent rien à la vue d'un cerisier en fleurs ou du rire d'un enfant, celui-là, nous souffle Tchekhov, souffre indéniablement d'une paralysie de l'âme.

Car c'est bien de ça qu'il s'agit ici. En dehors de tout propos politiques, moraux ou esthétiques, c'est à la peinture d'une âme qu'on assiste. Et quelle âme ! On ne peut rêver âme plus pure que celle de Kaguya, princesse resplendissante qui met en lumière nos plus obscurs travers. Qui peut mieux qu'elle donner un point de vue sur notre planète et nos moeurs, elle qui vient d'ailleurs ? Sur ce point "Kaguya Hime" ressemble à s'en méprendre à un autre conte, Français celui-ci, il s'agit bien évidemment du "Micromégas" de Voltaire.

"Kaguya Hime" n'égale pas "Le tombeau des lucioles" mais il le tutoie en majesté visuelle, s'en approche dans son écriture et le rivalise en beauté pure.

/!\ SPOILER /!\

(Pour ceux qui se demanderaient après une critique aussi dithyrambique pourquoi j'ai noté si bas, j'indiquerai que lors de la scène finale, où le pathos est à son comble, mon amie, pas très inspirée par le film, m'a chuchoté à l'oreille que Kaguya n'était pas irrésistiblement attirée par les habitants de la lune mais qu'elle s'y rendait en moonwalk... S'en est suivi un fou rire et Smooth Criminal qui ne me quitta pas l'esprit jusqu'à la fin un tantinet culcul. Ah, et Hisaishi.)
BoldBoy
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Vus ou revus en 2014 et Films : mes critiques

Créée

le 30 juin 2014

Critique lue 814 fois

21 j'aime

7 commentaires

BoldBoy

Écrit par

Critique lue 814 fois

21
7

D'autres avis sur Le Conte de la princesse Kaguya

Le Conte de la princesse Kaguya
Hypérion
8

かぐや姫

Isao Takahata réalise avec Kaguya-hime no monogatari une merveille visuelle. S'appuyant sur le meilleur des techniques d'animation dernier cri, son équipe accouche d'un défilé époustouflant d'images...

le 16 juil. 2014

104 j'aime

10

Le Conte de la princesse Kaguya
Eren
10

On en mangerait d'ces nuages !

On ne le dira jamais assez, mais il existe une synergie avec les films GHIBLI. Une sorte d'osmose devant laquelle on peut tous rester ébahi sans l'avoir été pour les mêmes raisons, sans avoir été...

Par

le 29 juin 2014

86 j'aime

10

Le Conte de la princesse Kaguya
SeigneurAo
9

Takenoko !

Le conte de la Princesse Kaguya est passionnant à plusieurs titres. Le plus évident est l'envoûtement visuel et auditif procuré tout au long de la séance. Première collaboration entre Takahata et...

le 12 juin 2014

67 j'aime

44

Du même critique

Le Prestige
BoldBoy
8

Sur scène, l'impossible peut devenir réalité. En coulisse, c'est la réalité qui devient impossible.

Les films de Nolan sont composés de trois parties ou actes: - Le premier est appelé "mise en abyme". Durant cette partie, l'auteur réalise son film comme l'exact reflet de son thème principal : ici...

le 4 juil. 2011

29 j'aime

Le Conte de la princesse Kaguya
BoldBoy
8

Fly me to the Moon

25 ans (!) après "Le tombeau des lucioles", chef d'oeuvre incontesté du second couteau des studios Ghibli et près de 15 ans après son dernier film en date, Isao Takahata s'essaye cette fois-ci au...

le 30 juin 2014

21 j'aime

7

Kaamelott
BoldBoy
9

Crétins de Troyes

Une série made in france qui rivalise avec les séries US ? Non, impossible. Une série sur l'univers médiéval ? Beurk, jamais ! Et pourtant... Alexandre "le grand" Astier nous offre une remarquable...

le 4 juin 2011

20 j'aime

3