Nicolas Boukrief signe un polar nerveux, à la tension permanente.
Le film débute sur un braquage de fourgon blindé.
Après (sans aucune idée de la temporalité), un homme (Dupontel) se présente dans une société de convoyage sur le point d’être vendue aux Américains pour y être embauché. L’homme est discret, fuyant. Il fait rapidement connaissance avec ses collègues qui traînent tous des casseroles (drogue, violence, addiction au jeu…). Et le soir, il rentre dans sa chambre d’hôtel.
La tension dans la première partie va se focaliser autour de cet homme étrange. Qui est-il (on apprend son prénom, qu’il a bossé dans une banque) et pourquoi est-il là ?
On va l’apprendre dans un passage qui se raccroche à la première scène. Une fois le suspens sur les motivations de son personnage levé, on pense que l’on va avoir à faire à un film de vengeance bête et méchant. Et Boukrief rebondit en déplaçant l’intrigue sur deux autres axes de réflexion : qui est la taupe que les Américains ont mis dans la boîte (axe mineur) et y a-t-il des responsables de la situation de son personnage principal parmi les collègues de travail (axe majeur) ? La réponse aux deux questions va arriver et manière brutale dans un final d’une violence rare.
Le film va chercher dans les influences multiples. On a un thriller social nous plongeant de manière très fantasmée dans le monde des convoyeurs (beaucoup de clichés, comme les mecs accrocs et ouvertement racistes, et l’envie de piquer le pognon), mais montrant également les à-côtés des lumières de la ville (détresse psychologique des gens, pauvreté des travailleurs).
Le film est également un western urbain. Le personnage de Dupontel est un peu le cow-boy sans nom des films de Leone, entouré d’une faune très éclectique aux gueules improbables. De même, par la structure avec l’utilisation des flash-back, on est dans l’univers de Leone.
Et bien évidemment, par ricochet, dans l’univers de Tarantino. Cet univers intervient aussi avec ses conversations sans vraiment de lien avec l’histoire.
Bref, un film nerveux, à la texture râpeuse, où la violence jaillit en éclairs sans prévenir. Nicolas Boukrief a l’intelligence de s’entourer d’une brochette de comédiens qui campent parfaitement tous les travers d’âme humaine (Dupontel l’aveuglement, Dujardin la convoitise, Boisselier (comme d’habitude épatant) l’addiction, Berléand le racisme, Laudenbach la lassitude de la vie…) et qui, au-delà de l’histoire, fournissent une galerie de personnages ni blancs ni noirs, ayant tous des côtés attachants et des côtés méprisables.