Trois hommes en perdition se retrouvent associés dans un plan de cambriolage échafaudé par l’un d’entre eux. Figurant parmi les derniers films noirs « d’époque », Le Coup de l’escalier nous convie à découvrir une nouvelle chronique sur une société en souffrance.


Lier trois hommes qui n’ont rien à avoir dans un même destin. Dave Burke est un ancien policier, qui a perdu son poste suite à une injustice. Earle Slater est un vétéran désœuvré et raciste, qui erre et qui n’a pas su retrouver sa place dans la société. Johnny Ingram, quant à lui, chante dans un club de jazz. Élégant, il paraît aisé et en réussite mais, en réalité, il est criblé de dettes, notamment à cause d’une fâcheuse tendance à parier énormément, et à beaucoup perdre. Trois hommes dans une situation difficile qui vont répondre à l’appel de Dave Burke, qui a mis en place un plan pour effectuer un cambriolage qui paraît simple et infaillible. Ironie, des trois hommes, c’est l’ancien policier qui lance un appel au crime. Débute alors une longue préparation à l’exécution du cambriolage.


Le Coup de l’escalier annonce d’emblée le plan, mais il faudra attendre longtemps avant qu’il soit mis à exécution. En effet, ce qui fait l’intérêt du film, c’est le développement des personnages, et leur lente avancées vers le moment fatidique. A tour de rôle, ils nous sont exposés, notamment Slater et Ingram, deux hommes radicalement opposés. L’idée de voir un vétéran buté, bourru et raciste associé à un homme noir qui chante dans des clubs de jazz questionne déjà sur la possibilité d’un éventuel succès dans l’entreprise de ce plan supposé infaillible. Le Coup de l’escalier décrit une société où l’individualisme, poussé par les pressions qu’elle exerce, élargit en permanence les fractures qui la fragilisent, créant un cercle vicieux destructeur. S’il est question de s’unir dans un but commun, chacun a ses propres intérêts à défendre, et les clivages sociaux entre individus n’aident en rien à l’établissement d’une union, même ponctuelle.


En se concentrant sur ces quelques personnages seulement, Le Coup de l’escalier parvient tout de même à capturer les souffrances d’une époque et à décrire les fragilités de la société et de l’être humain, avec des messages toujours d’actualité. Il y a, d’abord, cette volonté de survivre, qui peut amener à perdre la raison, à l’image d’Ingram et de son addiction au jeu, qui lui fait perdre de l’argent, et qui l’en fait dépenser toujours plus car, après tout, il arrivera bien à se refaire. C’est l’image d’une spirale infernale, motif récurrent du film noir, où l’on s’accroche à un espoir qui ne se concrétise jamais. Et il y a, aussi, et c’est ce qui fait la spécificité du film de Robert Wise, cette dénonciation ouverte du racisme, ici traité de manière très frontale et moderne, notamment à travers la relation entre Slater et Ingram.


Le développement de l’intrigue du Coup de l’escalier est volontairement lent, laissant la part belle à la caractérisation et à l’écriture des personnages pour mieux catalyser les enjeux dans le dénouement final, comme Robert Wise le faisait déjà dix ans auparavant dans Nous avons gagné ce soir. Cela traduit aussi une volonté de montrer la lente agonie d’une société au bord de l’implosion, la menant doucement mais progressivement vers cette destruction inévitable. Le parti pris est intéressant, et le film laisse le spectateur KO à la fin de la séance.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 29 nov. 2020

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