Mauvais calcul

Question: vous êtes inspecteur, vous recherchez un ancien nazi au fin fond des États-Unis. Vous êtes presque sûr de l'avoir trouvé. Le suspect se trouve en face de vous, assis à la même table. Il parle de son pays natal, l'Allemagne. Quelqu'un émet une remarque sur Marx. Le suspect répond: “Marx n'était pas allemand, il était juif”. Qu'en pensez-vous?
a- Maintenant, c'est sûr, vous avez trouvé votre homme : ce gars est nazi;
b- Ce mec est con, il ne connaît rien à la géographie (Juif, c'est pas une nationalité, imbécile !);
c- Je reprendrai bien un peu de thé.

Et bien, le croyez-vous ou non, l'inspecteur Wilson n'a pas choisi la a). Ce n'est que des heures plus tard qu'il se rendra compte de sa méprise. Conclusion : soit cet inspecteur est vraiment con, soit O. Welles prend son public pour des cons. Quoiqu'il en soit, à partir d'un détail apparemment anodin, il fout en l'air son film, car la vraisemblance s'écroule d'un coup.

Si les premières scènes (l'arrivée aux E.U.) laissent augurer un film génial, avec un magnifique jeu sur les clairs-obscurs, de splendides prises en plongée et contre-plongée où suintent la peur et la suspicion, l'intérêt s'amenuise progressivement au fur et à mesure que l'intrigue perd de son suspens, et ce malgré quelques subterfuges (l'histoire d'amour assez incroyable, au sens littéral) permettant à Welles de faire durer ce qui est déjà terminé, si bien que le film noir annoncé ne viendra jamais. Par ailleurs, certaines invraisemblances, des redondances stylistiques (au bout d'un moment cette satanée horloge tape sur le système), le piétinement de l'action, l'essoufflement complet de la mise en scène achèvent ce qui avait déjà du mal à tenir.

Un mauvais calcul de Welles.