Georges, fraichement séparé de sa femme, dépense l’argent qui lui reste pour faire l’achat d’un blouson en daim, avant d’errer, une caméra à la main, dans un coin de montagne presque aussi paumé que lui.
Au risque de laisser une partie du public de marbre, Quentin Dupieux joue sans complexe avec les codes, empruntant ici à la comédie absurde, là au thriller psychologique, plus loin au film d’horreur —en particulier le slasher—, et même au fantastique. En résulte un OVNI mystique et onirique, qui dépasse les genres et laisse le champ libre à Dujardin pour exprimer ses talents d’acteur. Et pas de soucis de ce côté, Jean tient la baraque !
Georges est un looser tour à tour attendrissant, hilarant ou pathétique, devenant de plus en plus frappé et flippant sous l’influence de son nouveau blouson. Ou plutôt, au fur et à mesure que Georges s’efface sous son blouson. Ce dernier est après tout le vrai personnage principal du Daim, comme le dira dans une mise en abyme Adèle Haenel —au passage bien meilleure que dans En Liberté! (2018)—. Il me fait d’ailleurs beaucoup penser à l’anneau unique du Seigneur des anneaux, en inversé… et pas juste pour la scène où Dujardin se parle à lui-même façon Serkis ! Quand Gollum met l’anneau unique, il devient invisible. Quand Georges met son blouson en daim, il devient visible. Au moins dans son miroir. Mais l’un comme l’autre sont rongés par ces objets animés par leur volonté propre.
Dans Le Daim, Dupieux se concentre tellement sur son acteur que le reste devient secondaire, y compris le récit, qui flotte autant que Georges. C’est voulu, c’est bien fait —malgré une ou deux longueurs dans un film de 1h17—, mais ce n’est pas vraiment pour moi. Question de goût, je préfère ce qu’on pourrait appeler les "films à histoire", où le scénario est central.
Bref, Le Daim est un film inclassable qui ne plaira pas à tout le monde. Mais si vous aimez Dujardin ou les expériences filmiques, alors il vaut définitivement le détour.