-Il est toujours agréable d’avoir le choix dans la date-


Ça fait déjà un bon moment que je ne peux regarder un film sans prendre au préalable connaissance de son année de sortie. Cette habitude, évidente pour les habitués de ce site, parait souvent incongrue à mon entourage. Être conscient d’une chronologie permet de distinguer les visionnaires des faiseurs, les artistes des artisans.
Bien entendu, être en avance sur son temps n’est aucunement gage de réussite ou de reconnaissance. Ce n’est même pas garantie de qualité, pour tout dire. On pourra estimer que le blues n’est devenu passionnant que quand certains blancs l’ont transformé en quelque chose de sexy ou intellectuel, et on aura bien du mal à soutenir que le roman de Renart est forcément meilleur que le recherche du temps perdu. Bref, si l’ordre dans lequel les œuvres sont apparues est déterminant, il n’est pas pour autant indice absolu. Cependant, de nombreux jeunes gens, trainant par ici, semblent vouloir régulièrement oublier le contexte d’un film et préférer une énième resucée au chef-d’œuvre séminal pour d’obscures raisons camouflant habilement leur ignorance dans de la nostalgie réconfortante.


-Au cours d’une bringue, faire du gringue à une dingue des flingues-


On l’aura donc compris, tout amateur de pellicule ayant été biberonné à coup de "Bonnie and Clyde" (dans le meilleur des cas) ou "Natural Born Killer" pourra trouver ce Gun Crazy, de 1949, un poil fade. Ce serait méconnaître parfaitement l’audace du film pour son époque, la profonde nouveauté qu’il introduisait dans la grande chronologie des films de gangsters. On pourra certes rétorquer que les "ennemis publics" ou autre "Scarface" avaient largement défrayés la chronique 15 ans plus tôt, mais ce serait passer à côté de l’essentiel. Ce n’est finalement pas un film de bandits au sens où on l’imagine, mais avant tout l’une des premières fois que ce type d’histoire concerne une histoire d’amour, explorant les mystères de l’alchimie d’un couple.


-National Biffle association-


Surtout, et ce n’est pas le moindre des mérites du film de Lewis (co-scénarisé en sous-main par un Trumbo black-listé), le discours sous-tendu par le parcours de Bart, son héros embarqué dans un crescendo de décisions douteuses, est on ne peut plus intemporel. L’amour des armes corrompt celui qui en souffre aussi surement que le porteur d’un virus fatal. Une nouvelle occasion de rappeler qu’une erreur n’est définitive que pour celui qui possède le pouvoir de tuer d’une simple pliure de doigt. On le comprend dès les premières secondes du film, la fascination inexpliquée que portent Bart et Laurie pour les revolvers n’a de débouchés que vers le drame le plus prosaïque et le plus implacable.


-Walk on the Wild Side-


Enfin, comment passer sous silence le nouveau travail admirable de l’équipe de Wild Side, à l’occasion de l’édition de ce Bluray / DVD dans un format on ne peut plus somptueux. Certes, il ne sera pas à la portée du plus grand nombre, mais le livret de presque 500 pages qui accompagne cette copie magnifique et ses bonus pléthoriques (bon, apercevoir Peggy Cummins 50 ans après casse un peu le rêve) justifient amplement l’acquisition de cette édition limitée.
Il est donc urgent de l’incorporer dans vos listes de fin d’année, en précisant bien à votre bienfaiteur de s’acquitter de sa tâche dans les plus brefs délais.

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le 5 déc. 2013

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guyness

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