Genou à terre face à la vérité.

Bien plus complexe qu'il n'y parait, Le Dernier Duel se vautre lamentablement sur sa forme.
Ridley Scott souhaite nous montrer la complexité des rapports humains et celle des rapports de force, comment met-il ça en image? Une histoire, trois points de vue radicalements différents, celui de Jacques le Gris présumé violeur, celui Marguerite de Carrouges la victime du viol et son celui de son mari Jean de Carrouges.
L'idée de découper le récit en trois points de vue différents est très pertinente pour ce dernier duel historique Français, on peut y voir les biais de chacun, par biais j'entends une déviation de la pensée par rapport à la réalité des faits... Par exemple Jacques le Gris ne s'imagine pas comme violeur, bien au contraire, au vu de son statut social d'homme issu de la noblesse le Gris ne s'imagine pas qu'une femme puisse refuser ses avances et voit ça comme un jeu de séduction, comme le fait qu'une femme résiste lors d'un acte sexuel puisse être normal à ses yeux.

Je crois comprendre les intentions du film, mais pourquoi cette ambiguïté ne se montre t-elle qu'au travers des dialogues? pourquoi la mise en scène ne prend t-elle pas le même virage? pourquoi tout semble aussi dirigée vers "la vérité selon Marguerite de Carrouges"? Ce qui n'est pas un problème dans un film avec une certaine portée féministe, mais pourtant un des personnages du film le dit lui-même: la vérité n'est pas importante.
Le Dernier Duel n'est pas un film sur la vérité mais sur le rapport qu'on a face à nos biais socio-cognitifs, je ne doute pas une seule seconde que Jean de Carrouges s'imagine comme un mari aimant et agissant constamment dans son bon droit et qu'il ne voit pas la réelle violence qu'il impose à sa femme, je ne doute aussi nullement que le Gris s'imagine une relation consentie avec la femme de son ami.
Quant à la troisième partie du film, celle du point de vue de Marguerite, celle-ci est trop imposée comme la "vraie" vérité comme j'ai pu le dire plus tôt. Cette troisième relecture de l'histoire gâche quasiment tout le propos du film et puis j'ai une question, comment les personnages peuvent-ils avoir une vision d'une scène sans être présents? Quelque chose m'échappe, en particulier dans le chapitre dédié à Jean.

Le duel de fin est brillamment mis en scène, d'ailleurs toutes les scènes de combats sont assez bien réalisées, le réel problème du film est son manque de subtilité, il trahit son propos à plusieurs moments... C'est regrettable, ça et la photographie qui est à vomir à plusieurs moments.
Je ne supporte plus ces films grisâtres, sans âmes, qu'est-ce que ça peut bien raconter? la réalité psychologique des personnages peut-être? Dans ce cas pourquoi la photographie reste inchangée sur les trois points de vue? Puis je doute que des nobles soient déprimés à ce point et ce dès le début du film. Non, je crois que c'est une juste une mode insupportable qui ne cessera pas de si tôt.

Concernant les erreurs historiques, je les vois mais elles ne m'intéresse que très peu, là où le film est impardonnable c'est sur son manque d'honnêteté envers ses protagonistes, sur leur point de vue, la réalité n'importait pas mais Scott s'y est plié, un genou à terre.