Ayant vu le film en ayant oublié qui l’avait écrit et réalisé, puis en voyant les crédits s’ouvrir sur le nom de M. Night Shyamalan j’ai eu un sursaut de compréhension de pourquoi les mauvais aspects de ce film me laissent un peu frustrée par rapport aux belles qualités ébauchées. D’autant plus quand on voit que la team d’Amblin Production, les habituels prods de Spielberg (Kathleen Kennedy, Frank Marshall) ont participé.
En effet, la cinématographie est assez remarquable par sa qualité, de belles couleurs et compositions d’image, sans toutefois aller jusqu’à un contraste et un usage des couleurs assez marqué pour faire date. Les effets spéciaux marchent vraiment bien. On remarquera que le film a fait le choix de ne pas faire des flash backs avec un choix de cinématographie tout pété comme de la surexposition ou une correction colorimétrique bateau. De beaux lieux et de beaux décors (combien d’efforts ont du aller dans la construction de toutes ces villes et villages !), qui me font dire : quel dommage qu’on ne s’y attarde pas plus et que la caméra ne prenne pas le temps d’errer dans cet espace diégétique si bellement créé.
C’est d’ailleurs un défaut récurrent dans ce film que ce rythme, rapide à tout prix, qui a malheureusement interdit la possibilité de creuser toutes les belles choses qui ont pourtant bel et bien été pensées et intégrées. Le film ne laisse à aucune scène le temps de développer ses ramifications émotionnelles et nous laisse donc de marbre quant à la mort possible de Zuko, la disparition de Yue et la culpabilité de Aang. Les personnages se retrouvent obligés d’expliquer verbalement et lourdement tous les enjeux (surtout ce fameux parchemin sur les esprits de la lune et de l’océan) alors qu’avec plus de temps ils auraient pu être subtilement intégrés à des scènes plus riches en dialogue, émotions, et mise en scène.
On a pourtant une vraie belle musique orchestrale de James Newton Howard pour épouser les scènes d’action à grandes émotions, même si elle n’atteint pas la même virtuosité émotionnelle que celle qu’il a créé pour The Village avec l’aide de Hilary Hahn (la profondeur de la relation des personnages aidant à donner matière à son violon magique et mélancolique). Du coup on ne sait pas si c’est une mauvaise réalisation, une adaptation mal scénarisée, des choix de production qui ont forcé la mise en scène à être bâclée ou un mauvais jeu d’acteur mais les dialogues et émotions sont assez mal rendues.
C’est une malédiction auto-entretenue très commune dans les adaptations cinématographiques d’heroic fantasy (Eragon s’il ne faut en citer qu’un !) que de vouloir présenter un bout d’aventure plein d’étapes, ici en tout juste 1h44, alors que la décence voudrait qu’on prenne le temps de poser tout un univers, son histoire, sa géographie, ses enjeux politiques, ses peuples, ainsi que de multiples personnages au passé et aux relations complexes.
Forcément la construction des personnages en pâtit énormément et chacun se retrouve affublé d’une personnalité plate avec un trait qui le démarque des autres plus ou moins pertinent, comme si on laissait le soin à leurs costumes et apparences de dire tout ce qu’il y a à savoir sur eux. Nous avons ainsi une Katara dont l’attachement et l’engagement à Aang est instantané et seulement justifié par une brève discussion avec sa grand-mère sur le fait que ce soit sa destinée. Bien que la seule à contrôler l’eau dans son village, on ne sait pas comment elle a développé son pouvoir, maladroit par instant, salvateur lorsque le scénario en a besoin. Son frère Sokka, hé bien... est doué avec un boomerang et sait se battre. La voix off permet de balayer d’un revers le besoin d’expliquer ses sentiments (instantanés cette fois encore) pour Yue,


cette princesse plutôt bad ass qui va se sacrifier pour sa ville et pour qui, plutôt que de mettre en avant sa dévotion pour son peuple ou sa force de caractère, on a préféré la faire... jolie. Parce que c’est apparemment suffisant pour un personnage féminin d’être montré comme joli et aimant pour justifier de tous ces actes et choix, comme ça l’est ici pour les personnages masculins de montrer leurs compétences au combat pour en faire des personnages principaux.


Et des interactions assez pauvres entre ces personnages qui peuvent se résumer à : « fais pas ça » « si » « non » « sorry j’y vais ». Bref. Aang, dont l’enjeu émotionnel et scénaristique dans ce film est l’acceptation de ses erreurs et de ses responsabilités, ainsi que l’apprentissage de l’eau, passe le film avec ses responsabilités en fait bien en main, à ignorer sa peine et sa culpabilité pour finalement les retrouver en un moment- clé pour les lier avec son pouvoir en une gigantesque vague. Moment toutefois rempli d’une belle émotion. Alors que tout le film a été compressé, on remarquera ces scènes assez vides scénaristiquement avec l’esprit du dragon, soit disant sage, qui balance des phrases pour qu’on comprenne le cheminement de pensée du héros dans son évolution. C’est cependant un artifice intéressant pour donner image et mots aux questionnements et émotions du héros (même si, dans le genre, la série Merlin a déjà mis la main sur cet outil). Mais on a quand même du mal à comprendre qu’est-ce qui fait que dans une scène Aang n’arrive absolument pas à maîtriser l’eau, et que dans celle d’après il fait montre de pouvoirs qui dépassent ceux de Katara. La séquence de montage à la Rocky sensée montrer la rébellion manque de causalités quant à la réussite des actions entreprises contre la Nation du Feu. Au final, on a juste 3 pauvres mecs qui volent par ci par là et boum c’est ainsi que Aang a sauvé la Nation de la Terre qui n’attendait que lui.
On soulèvera que les relations complexes semblent toutes catalysées autour du jeune prince Zuko, jeune soldat bien entrainé en manque de reconnaissance paternelle et rongé par la colère. D’abord, sa relation avec le général, son concurrent en terme de pouvoir, qui veut l’humilier auprès de son père. Ensuite avec ce père qu’il ne voit jamais mais qui l’a chassé sans vergogne. La relation avec sa jeune sœur, favorite et d’apparence cruelle, subtilement abordée, donne envie d’en savoir plus. Son oncle, personnage intéressant mais qui échoue souvent à influencer, est intriguant de par son pouvoir de conjurer le feu à partir de rien, et sa posture contre le pouvoir de son frère quant au meurtre des esprits, qui insère la possibilité d’une scission au sein de la Nation du Feu. La relation de Zuko avec Aang, le jeune harmonieux qui a tout compris, bien qu’un peu simpliste, a l’air d’être le seul vecteur de changement possible pour le prince et donne l’envie de voir une suite.
Pour ce qui est de la représentation des différents peuples, l’effort a été concentré sur les différences climatiques, architecturales et ethniques. Bien que cela donne une démarcation à l’image qui fonctionne, la présence d’une culture aurait permis d’humaniser la masse, plutôt que d’en faire de la simple chair à canon maniées par les protagonistes pour leurs intérêts socio- politiques. Pauvre peuple de la terre enchaîné, pour qui il suffit d’un discours de l’avatar pour se réveiller et bouter les 10 soldats qui les ont emprisonnés, puis qui sont guidés dans une rébellion par Aang sans qu’on comprenne ce qu’il a amené pour produire cette étincelle à part ses capacités kung-fuesque à manier le pouvoir de l’air. Rébellion vite laissée derrière lui pour ensuite partir à la suite de ses aventures, alors qu’on est en droit de se demander quel bordel il a laissé derrière lui.
Bref, à quand la réalisation de tous les cinéastes d’heroic fantasy que le Seigneur des Anneaux leur a montré la voie à suivre ? Un film de 3-4h avec des dialogues aux petits oignons, des relations to die for, de l’espoir, des intérêts amoureux possibles, des scènes d’actions incroyables et des paysages bien habités par la caméra et les personnages. Toutes ces choses là sont ébauchés mais non développées et c’est bien triste !
CQFD.

Mayra-regisseuse
5

Créée

le 13 sept. 2021

Critique lue 66 fois

Critique lue 66 fois

D'autres avis sur Le Dernier Maître de l'air

Le Dernier Maître de l'air
Tardubious
2

Shyamalan, le dernier maître du boudin

Après avoir dévorer goulûment les trois saisons de Avatar: The last Airbender, c'est sans grandes convictions que je me suis laissée tenter par The Last Airbender avec ce très petit espoir de ne pas...

le 9 janv. 2013

31 j'aime

2

Le Dernier Maître de l'air
Hortance
7

Critique de Le Dernier Maître de l'air par Hortance

Ce n'est qu'après avoir visionné la saison 1 de la série animée d'Avatar, le dernier maître de l'air, que l'on peut vraiment juger ce film. N.Shyamalan, à fait un très beau travail d'adaptation...

le 30 juil. 2010

21 j'aime

20

Le Dernier Maître de l'air
Bap
7

Critique de Le Dernier Maître de l'air par Bap

Vous vouliez trouver un type qui a aimé le Dernier Maître de l'Air ? C'est moi. J'assume ne pas avoir lu la bande-dessinée et d'être allé voir ce film sans aucune attente. Derrière son côté "conte...

Par

le 7 août 2010

20 j'aime

5

Du même critique

Bone Collector
Mayra-regisseuse
6

Critique de Bone Collector par Mayra-regisseuse

Lincolm Rhyme, criminologue tétraplégique de la NYPD, met la main sur les preuves réunies par la jeune policière Amelia Donaghy. Impressionné par ses qualités légistes, il insiste pour l’intégrer à...

le 13 sept. 2021

Les Sorcières d'Akelarre
Mayra-regisseuse
10

Sorcières ou le pouvoir réprimé des femmes !

L'histoire se déroule au Pays Basque. Bien que tourné du côté espagnol pour des raisons de production, les scénaristes Pablo Agüero et Katell Guillou se sont inspirés des écrits démonologiques du...

le 20 août 2022