Le dernier Truffaut. Etrange objet de contemplation, que ce Truffaut là. Loin de la Nouvelle Vague, et proche d’un classicisme de métier. Un couple d’acteurs stars, et le reste c’est de la mécanique bien huilée. On peut voir ça comme une fable sur l’Occupation, vue de l’intérieur d’un théâtre. Ou d’une réflexion sur le théâtre, avec comme prétexte, l’Occupation allemande. La deuxième option a été privilégiée. Le dernier métro, c’est celui que courait prendre les parisiens, pour ne pas se laisser piéger par le couvre-feu. On allait au cinéma, seule occupation de l’époque, puis on rentrait chez soi. Bon début, mais après ?
Depardieu et Deneuve dans toute leur splendeur. Et des seconds rôles de confort. Des anecdotes croustillantes comme :
Comment faire passer un jambon en contrebande ? Ou comment cacher son mari juif, avant de le faire passer en zone libre ? On pourrait croire que le vrai sujet, c’est la vie sous l’Occupation, mais c’est pas sûr du tout. La résistance, elle est seulement suggérée. Et les allemands ne sont pas de grands méchants loups, ils restent corrects. Madame (Deneuve), c’est la patronne, elle veut poursuivre l’œuvre de son mari en fuite. Monter une nouvelle pièce, sauver le théâtre. Défile les prétendants, les figurants, les machinistes, le journaliste (collabo). La réflexion sur le comment vivre sous la censure et l’Occupation, devient une variation sur l’espace théâtral et ses monomanies.
Côté cour, côté jardin, coulisses, les combles. La cave. Le bureau de madame. Un petit dédale vite comblé par les sentiments. Le jeune premier, dragueur (Depardieu), tombe sous le charme de madame la directrice. Mais madame a un secret. Elle reste fidèle a son mari par devoir. Truffaut n’a pas poussé le curseur vers le vaudeville, mais l’humour et le comique de certaines situations ne trompent personne. On est au théâtre. Et la comédie le moins dramatique possible. Et le théâtre n’a que faire de l’Occupation, du dernier métro, de la censure allemande. Etc.
Le jeu entre montré-caché fonctionne, mais est-ce suffisant ? Les situations sont affreusement banales. La dissimulation est feinte. On voit tout. Unité de temps, d’action, pas de révélation extraordinaire. Technique, mais pas énorme. Entre pudeur, et intimisme, dans le confort. On ne peut pas lui reprocher grand-chose. Il n’a plus rien à prouver, et la politique c’est pas son truc. Le drame c’est pas son truc non plus. La beauté épanouie d’une Andréa Ferréol, c'est plus son truc. L’ironie d’un Jean Poiret. La fraîcheur de la jeune Sabine Haudepin, qui joue la starlette prête à tout. Elle va faire chavirer des cœurs, et un surtout un en particulier…chut. No spoiler. On est loin de l’Occupation et des bruits de bottes. Dans ce théâtre des sentiments, on désamorce le conflit, et les problèmes, à coup de bons mots, ou de débrouillardise. Comédie, comédie.
Le final en pleine lumière, et soudain le cinéma reprend ses droits. Un tour de passe-passe, et une volte-face en forme de clin d’œil. Le cinéma qui se veut théâtre dans le théâtre, et qui se suffit à lui-même. Pas mal. Mais pas chef d’œuvre pour autant. Si on aime Truffaut, on va apprécier cette autre facette de son talent. Cette économie de moyens. Ce recentrage sur les personnages, les seuls qui comptent, bien plus que les situations elles-mêmes. Cette audace de ne pas parler de l’Occupation, tout en parlant de censure. Le théâtre c’est une espace de liberté, même contraint. Même si la milice surveille, même si on doit courir prendre le dernier métro. Mais bien que se soit audacieux, on pourrait aussi lui reprocher de ne pas vraiment développer. Rester formel, et rien d’autre. Léger malgré tout. Comédie, comédie.