Kilt ou double

D'abord révélation d'une grande, très grande performance de l'acteurForest Whitaker, trop cantonné, d'ordinaire, aux rôles insipides du bon black débonnaire, "Dernier roi d'Ecosse" relate avec beaucoup d'impartialité, la folle ascension d'un gentil populiste, porté au pouvoir par les autorités occidentales, devenant peu à peu le dictateur sanguinaire que l'on connaît. Vu sous le point de vue de son médecin personnel, personnage nonchalant et épicurien assumé, ce roi au charisme extraordinaire est adulé par les foules, tout comme le jeune héros, d'ailleurs. La lente mais inquiétante folie dans laquelle sombre ce mégalomane un peu fou, fait renverser la vapeur, qui jusque là lui était (narratologiquement) favorable: meurtres, persécutions jusqu'aux plus proches collaborateurs, actes barbares, tortures, la face cachée du révolutionnaire Amin Dada, tyran démentiel et terrifiant. Ce renversement de situation noue l'estomac, jusqu'au générique de fin, où, à défaut de trouver la paix, l'on se demande réellement comment l'Occident peut, à ce point, fomenter de tels cataclysmes, en dépit des intérêts (ressources naturelles) qu'il y trouve: tant de vies humaines gâchées pour le bon plaisir de quelques oligarques (l'oligarchie n'a, elle, pas de couleur), pose à son tour la question de la barbarie comme essence de l'être humain (a fortiori dans la société mondialisée et ultralibérale du XXe siècle). Un film qui fait froid dans le dos, tant le sujet est grave, et les acteurs, parfaitement dans leur rôle.