Un bon, une brute et un truand plongés dans l'enfer vert de la savane, dans un contexte de décolonisation sanglante au Congo.


La brute, Curry, personnage principal du film, mercenaire bourru et impudent, sans autre idéal que ce qu'on lui paie pour ses services. Amoral de façade mais rattrapé par quelques accès de "sentimentalisme".


Le bon, ce cher Ruffo. Acolyte de Curry. Régional de l'étape, il défend l'idéal d'un Congo libéré des intérêts occidentaux, et de la sauvagerie d'une mutinerie organisée par des rebelles décidés à pourfendre la présence sur son sol de la vieille Europe en déroute.


Le truand, Henlein, autre mercenaire. Ce dernier arbore fièrement sa croix gammée, relique de son engagement durant la dernière guerre mondiale. Grand blond aux yeux bleus, carnassier, caricatural de monstruosité. Il présente l'avantage de diriger une troupe de guerriers habiles et valeureux, Curry l'embarque donc de mauvaise grâce dans son équipée.


Curry se voit confier une mission délicate : exfiltrer des populations européennes encore présentes sur le territoire du Katanga dans une zone reculée, à la merci des mutins qui multiplient les massacres dans la région. Le gouvernement belge, à l'origine de cette mission, a également un intérêt pécunier qui justifie son altruisme puisque Curry est également chargé de récupérer pour 50 millions de dollars en diamants et que parmi la population à sauver se trouve le responsable de l'extraction de diamant, gardien du coffre refermant les pierres précieuses.


C'est donc à bord d'un train que ce petit escadron (une quarantaine de soldats) traverse une nature hostile. Accompagné d'un autre larron, le "Docteur", pas un mauvais bougre mais la lassitude de voir le pays dépérir l'a fait sombrer dans le whisky et sa propension a téter le goulot à longueur de journée n'inspire pas la confiance en ses aptitudes à raccommoder les plaies.


La cohabitation s'avère rapidement tendue entre les caractères trempés et antagonistes de Curry et Henlein, sous ce soleil de plomb qui échauffe les esprits. Le nazi découvrant rapidement les enjeux de l'expédition, nourrit la fourbe ambition de s'attribuer le magot. Ces frictions aboutissent fatalement à un premier pugilat haletant, à coup de tronçonneuse ! Interrompu par l'apaisant Ruffo, oasis de sagesse dans le nihilisme ambiant.


Les scènes d'action et de combat sont particulièrement réussies et captivantes, et d'une violence étonnamment crue et explicite, avec quelques années d'avance sur Kubrick et Peckinpah. (La scène de l'infiltration dans la ville alors occupée par les rebelles, et le funeste sort qu'ils infligent aux populations restées sur place)


Le tout est rondement mené, le rythme est maitrisé et les paysages sublimés.


Dans cette immersion dans l'horreur de la guerre, au milieu des charniers, Curry est sans cesse tiraillé entre suivre la voie de son ange gardien Ruffo ou celle de ce diable de Henlein. L'humanisme ou la cupidité. L'espoir ou le cynisme.


Un drame l'orientera sur la mauvaise route. Dans une double expiation, Curry finira par mettre un terme aux agissements pervers de Henlein, puis se livrera de lui-même à la cour martiale pour assumer son geste et ainsi révéler sa part de transcendance dont il ne soupçonnait pas l'existence, mais dont son frère d'arme Ruffo a toujours eu l'intuition, comme d'un diamant brut ne demandant qu'a être poli.


Un film d'action chargé en testostérone, qui rempli sa mission de divertissement sans tomber dans l'écueil de la vacuité inhérente au genre.

maddhieu
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le 31 mars 2016

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maddhieu

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