Le cimetière des ambitions

Un générique exceptionnel.
Des images magnifiques dans des paysages somptueux.
Une musique douce qui devient progressivement lancinante puis glaçante.
Un bijou de réalisation.
Pourtant ce film ne plaira pas à tous car c'est un film de guerre sans bataille ni escarmouche. C'est une attente menée avec une lenteur calculée.
C'est aussi ça la guerre: attendre.
Mais la tension monte, monte... jusqu'à la seule bataille qui compte, celle que chaque homme doit mener, seul, un jour ou l'autre. Notre vie ne serait-elle qu'une attente de cette bataille inéluctable?
Le film de Valerio Zurlini et le roman de Dino Buzzati d'où il est tiré ne seraient-ils qu'une allégorie de la vie, tout simplement?

Le lieutenant Drogo reçoit sa première affectation dans un fort perdu aux confins de l'empire sur une frontière oubliée.
En face, le royaume du Nord, le désert, l'ennemi qu'on ne voit pas, qu'on pressent... qu'on attend.

La garnison est composée d'une troupe qu'on maintient par l'exercice et la plus stricte discipline. Les officiers sont surtout des aristocrates ambitieux, avides de gloire et de carrière. Ils ont choisi cette affectation car c'est le poste le plus exposé de l'empire, la meilleure chance de devenir un héros. La paix est leur principale ennemie. Les convenances, le règlement, la discipline assurent la carrière de ces officiers ...
En attendant mieux!
Dans le désert certains prétendent les avoir vus. Par superstition, on ne prononce pas leur nom, mais on dit qu'ils montent des chevaux blancs, portent des lances et des boucliers. Dans les postes avancés, on croit apercevoir des ombres la nuit, on entend des bruits, les chevaux s'inquiètent. Un officier a même fait tirer au canon. Nervosité? La faute!
Le matin, il n'y avait rien, pourtant il les avait bien vus...
Certains croient au danger, d'autres non.
Tous attendent...

Les années passent, puis les décennies. Les signes inquiétants se multiplient. Les chefs changent. Les vieux partent en retraite. Les jeunes montent en grade. Les effectifs se réduisent. Tant mieux, la gloire n'en sera que plus grande.
Tous attendent.
Certains espèrent.

Ils viendront ... un jour ... c'est sur!
La gloire, enfin ...
Ou la mort ...
Peut-être.